JPL


Les débuts

Quand, comment et pourquoi as-tu acheté ton premier Apple II?

Mon premier vrai achat d'Apple s'est fait en 1983. C'était un IIe que j'ai encore. Avant cet achat j'avais depuis 1979 un apple II rev 1.4 que j'avais eu par échange contre deux vieilles pétoires de 1870 avec leurs baïonnettes, et je travaillais aussi ceux de <CENSURE ECOLE>, de bons vieux Apple II Plus avec des cartes 128K Legend et Z80 et surtout plusieurs drives.

Le IIe, je l'ai acheté à crédit n’ayant pas assez d'argent pour un paiement cash.
Il faut bien le dire: ce n'était pas donné, 13.000F à l'époque.

Le pourquoi est simple, deux raisons essentielles :

Ta machine avait-elle des caractéristiques particulières?

Oui. J'avais installé sur mon Apple IIe une ROM en shadow et un interrupteur NMI. Pas pour craquer mais pour avancer dans le chargement et voir comment ça se passe plus loin. J'avais fait l'installation brutale d'un bouton poussoir sur la NMI et j'ai toujours ma configuration bricolée!
En voyant l'interrupteur, certains croyaient que c'était une Wildcard.
Déception à l'ouverture du capot!!

Combien de temps a duré ta passion pour l'Apple II?

Elle dure encore donc on peut dire plus de 25 ans avec des hauts et des bas.
A l'époque, j'ai du arrêter le crack en 85 je pense. En tout cas je n'ai jamais déplomber sur GS.

En moyenne, combien de temps passais-tu sur l'Apple II à ta grande période?

Facile : 17H00 jour J à 5H00 jour J+1.

Déplombage : où, quand, comment

Quel meilleur souvenir gardes-tu de ta période " déplomb " ?

 La plus fabuleuse époque - dont j'ai encore la larme à l'oeil rien qu'en y pensant - c'était le Microtel d'Issy les Moulineaux qui n'existe plus aujourd'hui...

Qu'était-ce exactement que Microtel? Comment l’as tu connu ?

En théorie ce devait être un club où les uns apprennent aux autres.
Personnellement, je n’ai jamais donné le moindre cours.
C'est un ami de Bastille pour qui j'avais fait des cracks qui m'a emmené au Microtel : un bordel complet et des échanges (copies) dans tous les sens.

Etait-ce ouvert à tout le monde?

Oui, je n'ai jamais vu le moindre filtrage. Je n'y allais que le mardi (peut être le samedi). Et ce jour là, c'était les galeries Lafayette en période de solde à 90% voire le métro aux heures de pointe par jour de grève : tu aurais pu tenir debout sans avoir les pieds par terre tant il y avait de monde parfois.

Etait-ce payant?

Cela devait être payant, mais je n'ai jamais rien payé (j'avais sans doute été classé parmi les bienfaiteurs, comme quoi l'appréciation varie avec ta position relative au logiciel).

Y avait-il des machines en libre accès ou fallait-il amener sa bécane?

Je ne me souviens pas avoir vu la moindre bécane en libre et j'amenais toujours la mienne sauf l'écran (il y en avait toujours un sur place).
Si tu avais une machine, pas de problème : tu entrais.
Par contre, sans bécane autant dire que tu ne faisais pas grand chose à part discuter avec des amis et récupérer des softs à ramener la semaine suivante.

Qui gravitait autour du Microtel?

Il y avait d’abord ceux que j'appelais «pirataillons», c'était nos copieurs fous.
Beaucoup venaient avec des machines pour copier donc pas vraiment pour cracker.
Dans la catégorie des pirataillons, il y avait des types supers et de vrais casse-couilles.
Tu trouvais des collectionneurs, des revendeurs pirates et assimilés.

Puis venaient trois à quatre pirates (les vrais) tout au plus. C’était la minorité en action.

Tu rencontrais aussi sans problème une dizaine de types qui savaient de quoi ils parlaient (en terme de déplombage). En hard, il y avait des bêtes (et en ce domaine je ne suis pas le top d'où mon émerveillement).

J'y ai rencontré des types balaises tant en hard que soft. J'ai encore des papiers que l'on s'échangeait pour expliquer comment faire ceci ou cela. C'était vraiment top.

En complément, si à l'époque Internet avait existé, cela aurait été diabolique!

Les copies c'est une chose, mais comment se déroulaient les cracks ? Qui fournissait les originaux ?

Ce n'est pas un scoop que de dire que certains magasins nous ont fourni des originaux pour avoir des copies sans signature et les donner gratuitement à des acheteurs de machines.

D’ailleurs, j’en avais déjà fait l’expérience lors de l’achat de ma première machine. Elle fut agrémentée de trois ou quatre copies pirates de jeux ouarffff j'en fais encore pipi dans la culotte, le vendeur a cru que j'avais le sourire qui ne décrispait pas à cause de ma joie supposée d'avoir des disquettes de jeux.

C'est là que tu entrevois déjà bien le vrai piratage et en toute innocence du vendeur : "je donne deux trois jeux pour vendre ma machine, de toute façon il les aurait eu un jour ! " Sachant qu'il y a eu des centaines de milliers d'Apple vendus, même en réduisant à 50% le nombre de vendeurs qui pratiquaient ainsi, on imagine la suite.

Pour en revenir à nos fournisseurs, il y avait par exemple le magasin S**** qui était boulevard de Batignolles.
Le mieux qu'il m'ait fait a été de me donner plus de trente disquettes " Flight Simulator " pour Commodore 64.
MISSION : " Mon ami, mets nous la version protégée APPLE dessus, tu vas relancer le commerce ".
Je l'ai fait et aujourd'hui tu dois avoir des types qui se demandent pourquoi il y a une étiquette Commodore 64 sous une étiquette approximative APPLE II.
Si tu en as un, maintenant tu sais.

Flight Simulator II


Au Microtel, il y avait des pirataillons qui arrivaient avec des paquets de softs neufs à cracker dans la soirée.
Si pour les SSI on le faisait à la chaîne, pour d'autres c'était moins évident et les types râlaient parce qu'ils devaient rendre les jeux le lendemain! Comme par hasard , papa ou frérot travaillait dans un magasin mais pas question d'attendre deux jours. J'avoue que ça m'a énervé plus d'une fois. Ce qui les trompait était la rapidité de crack pour certains et ils ne comprenaient pas que pour d'autres c'était plus difficile.
En d'autres termes si tu ne crackais pas en deux minutes, t'étais un nul !
Eh bé petit gars, prends "Sundog" et je te regarde.

La règle, c’est qu’à l’exception des SSI, tu ne peux pas cracker proprement en deux minutes (sauf si tu connais déjà le schéma).

La Wildcard les a même convaincu que le cracking était mort.
Au deuxième accès disque de leur jeu nouvellement cracké, ils ont changé d'avis.
Evidemment, l'assembleur est moins simple que le petit clic sur un bouton rouge.

Est-ce que ces magasins donnaient quelque chose en contrepartie des cracks ? De l'argent ? Du matériel ?

Pas à moi en tout cas, non pas que je sois puriste mais la seule joie de cracker un truc était déjà la récompense. Si l'argent avait été le but, j'aurais été bien plus riche.

Y a-t-il eu des articles dans la presse parlant des activités underground du lieu?

Je ne sais pas mais il ne me semble pas.

La disparition du Microtel était-elle dû à une descente de police... au mauvais moment pour d'autres?

Je ne sais pas. Je suis parti en province en 84 et je ne suis pas revenu.

Personne ne s'est fait gaulé sur place? (Même pas un pirataillon en pleine copy party?)

Alors là, ce n'est pas un que tu aurais gaulé mais carrément des dizaines.
Non seulement pour les copies mais aussi et surtout les échanges de copies préparées d'une semaine sur l'autre. En effet le temps d'ouverture ne permettait pas de copier tout sur place pour ceux qui le voulaient surtout s'ils venaient sans machine.

Je me souviens avoir vu un reportage où carrément dans une Fnac un apple 2 servait à copier des originaux, la routine de rendu visuel d'avancement de la copie ayant été désactivée (écran bidon à la place pour ne pas éveiller les soupçons). Y avait-il des développements / modifs de programme aussi au Microtel?

A Microtel, les copieurs fonctionnaient tout a fait normalement.

Le mieux que j'avais vu c'était dans un autre domaine CHIP SELECT : il avait modifié sa diskette « Compuserve » et se pointait dans les magasins pour dire qu'elle ne marchait pas. Le vendeur s'en emparait, testait en cachant bien son mot de passe et la rendait en disant "ben oui mais c'est pas moi qui l'ai vendue". "Merci m'sieur ben tant pis" et hop retour à la maison avec le mot de passe du couillon.
Je n'ai jamais pratiqué la chose, étant peu attiré par les réseaux à l'époque.
J'avais des passwords EDF (trois caractères!!!) mais sans plus.

Quels étaient tes contacts privilégiés?

Softman, MicMac, Numéro 6 et Paul : quatre types supers à tout point de vue, de vrais copains de crack c'est pour cela qu'il y en a peu.

Le plus vieux de la bande, c’était N°6 (mais pas de beaucoup), le plus jeune Paul.
Softman et moi étions de même âge.
Micmac (qui craquait avec softman également) travaillait à Jussieu ce qui fait qu’il est devenu beaucoup plus sérieux beaucoup plus vite.

J'ai connu MicMac via Softman. Il m'a donné surtout des infos hardware (d'ailleurs à l'époque chacun donnait facilement ses connaissances, l'esprit était plutôt hack).

Paul était de Metz et nous avions un ami commun à Nancy.

Numéro 6 (rencontré via le magasin D****** C*******) faisait des routines avec une minutie qui m'a toujours effrayé, et comme il pensait plus vite qu'il ne parlait je ne te dis pas la difficulté pour le suivre puisqu'il commençait une phrase sans jamais la terminer autrement que par le début d'une autre et ainsi de suite.
Dire qu'il a fait ECP, l'Ecole Centrale de Paris! Un super type et vraiment un super copain.

Est-ce au Microtel que tu as rencontré " The Softman "?

Non, c'est dans un magasin de la rue de Dunkerque.
En discutant avec le vendeur (Mr. LOONG, mais comme il avait plusieurs noms, je n'ai jamais su le vrai), son magasin s'appelait COMEICO à l'époque (D******* C******* ensuite) et il vendait des copies de montres et des clones Apple.

Pub Comeico
Pub Dynamit Computer

Comme il a décelé que je n'avais pas l'air totalement nul, il m'a testé sur le soft.
A l'époque, je n'arrivais pas à cracker "LADY TUT". Je me suis arraché les yeux dessus.

Je ne comprenais rien à la protection et c'était la première fois que j'étais vraiment coincé.
Paul pareil.
J'explique donc que c'est pas facile.
Il m'emmène au fond du magasin.
Et là, clope au bec (mais il en avait toujours une) ce bon Softman... qui craquait "Lady TUT"!!!
HONTE SHAME ON ME ET TOUT LE TOUTIM.

Je discute avec lui, lui explique jusqu'où je suis arrivé et... blocage puisque je ne bite rien.
Et mon Emile qui continue en me disant : " tu vas voir, c'est simple, il utilise les faux opcodes de 6502 ". ?????. Je devais avoir l'air ahuri! Mais chapeau bas et même très bas.

J'avais déjà vu des faux opcodes (pas de vrais opcodes non documentés) mais ils étaient utilisés pour planter la machine quand la protection s'activait. Je ne pensais pas qu’un de ces opcodes non documentés pouvait marcher et le programme continuer à s’exécuter.

Le jeu marchait sur II, II+ et IIe mais pas sur IIC : c'était un indice mais je ne l'aurais pas trouvé.
Pour info, Softman connaissait le truc car il avait lu un article des US sur le sujet.

On a sympathisé et resté ensemble (en crack puisqu'on n'est pas homo).
Son frère travaillait chez IBM et c’est lui qui l’hébergeait dans son studio. Et c’est aussi là qu’on a fait des cracks. Le pauvre frangin ! J’ai encore honte de l'avoir empêché de dormir (Par exemple, pour "EDD III", nous y avons passé deux nuits et on l’emm... sacrément avec nos "Mince il reboot" et autres " oh la vache c'est pas bête ça ").

J’ai cracké en solo mais aussi avec Softman. On avait créé CES (pour Cracking Elite Software). Bonjour les chevilles, mais on était content...

Aurais-tu aimé passer à la TV comme The Softman? Sais-tu comment il a été approché par les journalistes?)

Pas spécialement car je n'apprécie pas la lumière des projecteurs. Ce n'est pas tant la gloire éphémère que la haine dont tu es l'objet ensuite qui me déplaît, je déteste le conflictuel qui n'est que trop souvent des approches différentes d'un problème.

Je connais très bien Softman et vraiment c'est un des meilleurs copains que je n'ai jamais eu, il n'est pas du tout "m'as-tu-vu" et nous partagions la même vision du crack. Je ne sais pas comment il a été approché par les journalistes mais ces derniers sont bien souvent de meilleurs investigateurs que la police (enfin à la nuance près, il faut préciser quand elle n'y met pas les moyens).

Te souviens-tu pourquoi est-ce le jeu "Conan" qui a été choisi pour le crack en direct à la TV dans l'émission où est passé Softman ? (A part la musique qui est bien entraînante et sympatoche comme tout).

Pour "Conan", Softman ne s'est pas cassé car la protection est assez nulle, de mémoire un changement de markers et un nibble count contrôlé à une seule adresse. La TV avait du lui demander un truc rapide. Cependant il aurait parfaitement pu cracker n'importe quel soft avec n'importe quelle protection si on lui avait demandé. Seulement passer des heures à regarder un type bidouiller de l'assembleur c'est pas terrible pour l'audimat. J'adore Mimile il est génial !!! Je le dis parce que lui est modeste et il ne te l'avouera jamais... c'est ça le génie aussi. Idem pour Numéro 6.

Quel était ton état d'esprit à l'époque ? Quelles furent tes premières motivations qui te poussèrent à déplomber? Comment as-tu appris ?

A la base, je ne cherchais pas vraiment à craquer les softs.
Je voulais savoir comment ça marchait, par simple curiosité.
Pas seulement la protection du jeu mais aussi le graphisme, les routines de calcul, etc...

J’ai appris le piratage avec MICMAC + Pirate Harbor + Krac-man + du travail et encore du travail.
Le cracking c'est la joie de comprendre ce qu'un autre a fait pour t'empêcher de copier le jeu.
Dans ce domaine la quête vaut plus que le Graal.

Pour les cracks je suis toujours resté discret (tout comme numéro 6 et Softman) car pour nous le crack était un sport intellectuel et c'est vraiment sur Apple II que le summun du génie des protections a été atteint (je ne connais pas Atari mais il parait que c'était bien aussi).

Combien de cracks as-tu réalisés?

Je ne sais pas vraiment, je n'ai pas compté mais sans doute trop ... de quoi aller au pilori sans bénéficier du doute.

Quel est le premier soft que tu as déplombé?

En fait je m'étais connement attaqué à plusieurs programmes, ce qu'il ne faut pas faire, mais le premier a été "Missile Defense", facile car le changement de format était simple mais il y avait tout de même un nibble count en plus.

Racontes nous tes joies?

La plus grande joie... j'hésite :


Quelles ont été les protections qui t'on donné le plus de fil à retordre?

Incontestablement : "Sundog" et « EDD III ». Il y a eu aussi « Lady Tut » comme mentionné plus haut.

Pour « EDD III », la ruse, c’était que l'adresse du prochain boot se plaçait par lecture des nibbles au fur et mesure.

Pour les autres schémas, il y a eu :

Le spiraling : sur les ECA.
18 secteurs : "Flight Simulator" (je ne sais même pas si je saurais le refaire tellement c’était ch***t).
Plus simple et très intéressant le Pseudo code : ECA sur "ARCHON" et avec un spiraling, etc...

On a repiqué le principe de ces protections sur les softs existant que l'on a eu entre les mains. On aurait même pu les vendre sous forme modifiée à Apple si on avait voulu mais ça aurait été un peu vache.

Pour le spiraling, il n'a jamais été utilisé tel que nous l'avons fait avec Softman mais uniquement sur deux pistes en alternant (ECA). " Centipede " d'Atarisoft le fait également.

Pour ceux que cela peut intéresser, j'ai un stock de sources (en bordel complet) particulièrement bien documentés qui permettent de créer ces protections.

Jouais-tu souvent aux jeux déplombés par tes soins?

Non pas le temps pour cela (et pas de passion) sauf "Lode Runner" et "Snake Byte", il sont simples mais bien ces jeux. C'est d'ailleurs tout l'intérêt qu'il y avait à avoir des fans de jeux et non de crack pour vérifier qu'on n'avait rien oublié dans le genre une protection qui apparaît en cours de partie. A priori c'était strictement impossible car on avait pris la peine de désassembler tout le soft mais pour les SSI comme je te l'ai dit j'ai toujours eu des doutes, trop simple ça m'énervait.

Y a-t-il eu des compétitions pour le crack d'un titre avec d'autres pirates?

Non, tant Softman que moi n'en n'avions strictement rien à faire.
Ce qui nous intéressait, c'était vraiment le hack pas le piratage en tant que tel.

Pourquoi ne signais-tu pas toujours tes cracks avec « JPL »? As-tu eu à souffrir des namekillers ? Prenais-tu des dispositions particulières contre eux ?

J'ai réalisé 3 catégories de cracks.

Pourquoi t'être mis à signer si pour toi il fallait avant tout garder l'oeuvre dans son état d'origine?

J'ai signé au début pour faire comme tout le monde et puis j'ai trouvé ça inutile puisque mon but etait de comprendre les schémas (et les combinaisons), pas vraiment de diffuser à la terre entière (sauf "Prolok") pour une gloire un tantinet masquée (évident car tu es sous pseudo).

As-tu cracké des logiciels français?

Je pense que là je devrais vraiment dire non. Il y a peut être encore des éditeurs qui ont survécu.

Penses-tu que le piratage ait coulé des éditeurs de softs en France?

Il est très difficile de répondre à la question, c'est un peu comme un malade qui a plusieurs maladies et qui meurt, on ne sait pas vraiment imputer à l'une d'entre elle la cause du décès.

Maintenant le pirate c'est qui ? celui qui craque ? celui qui diffuse (avec au passage celui que je déteste le plus, c'est-à-dire celui qui revend la copie) ?


La communauté Apple II underground de l'époque

Avec quelles autres personnalités de l'underground Apple II étais-tu en contact? Connaissais-tu Laurent Rueil, Aldo Reset, Johnny Diskette, d'autres? Tous les déplombeurs de l'époque avaient-ils la même mentalité que toi ?

Oui pour Laurent que je n'appréciais que moyennement (sympa mais trop expansif : il n'hésitait pas à se présenter dans tous les magasins dans le style cow-boy "j'va vous niquer tous les softs les ploucs, qu'on m'amène une machine!")

Oui pour Aldo, très sympa et des cracks propres. Il faisait des études de biologie.

Non pour Johnny Diskette.

Pour les autres (Franck en particulier), et j'en oublie qu'ils me pardonnent, c'est la rançon de l'âge.

J'ai rencontré des types intéressants (Chip Select et d'autres ) mais comme j'ai dû m'éloigner géographiquement pour le travail (notamment aux USA), je les ai perdu de vue et j’ignore ce qu’ils sont devenus (ils n'habitent plus au même endroit). Sniff...
 
Je ne connaissais pas tous les pirates mais il est clair que sur un troupeau tu as des brebis égarées.

Le milieu n'était pas trop élitiste et prétentieux?

Je ne crois pas, le problème quand tu veux cracker, c'est qu'il faut avoir bossé l'assembleur et connaître la machine.
C'est pénible d'expliquer des bases qui sont des pré-requis indispensables.
Pas d'assembleur connu -> pas de cracks possibles.
Il n'y a pas de secret. Rogner Wagner le disait et je l'ai repris : tu peux devenir le meilleur dans un domaine quelconque si tu es patient et persévérant.
Bon, pour moi, la gym c'est pas vrai ça...
Mais intellectuellement les gens veulent des résultats tout de suite et il faut que ce soit impressionnant, et bien cela ne marche pas.
Pour être cascadeur, il faut de l'entraînement intensif et continu, sinon tu t'éclates les jambes.

Il y a eu des échos (source: Godfather) comme quoi Aldo Reset & Laurent Rueil revendaient les softs piratés après les avoir crackés + replombés. As-tu des infos sur le sujet?

Je ne sais pas mais ce ne serait pas impossible.
Ceci dit replomber un soft pour le revendre avec le plaisir de mettre CCB je ne vois pas bien l'intéret.
Il me semble bien que tous les CCB sont en CopyA.
Marc tout comme Laurent me semblent suffisament balaises pour remettre le même protection mais là l'interet de mettre "cracked by CCB" me parait bizarre.

Y avait-il des réunions de pirates pour certaines occasions? (Sicob, ...)

En ce qui me concerne, je n'y suis jamais allé avec cette étiquette: trop voyant.

Dans la seconde partie des années 80, le rendez-vous de l'underground incontournable était le serveur minitel RTEL. Y avait-il un équivalent au tout début des années 80?

Pas à ma connaissance, mais je n'étais pas attiré par les réseaux de telecom (le piratage des réseaux j'entends!)

Y a-t-il eu des disks communs de déplombage? (Des "déplombages mode d'emploi" restés confidentiels entre pirates?) Certains pirates plus récents avaient créé leurs outils sur mesure (par exemple l'éditeur de secteurs d'ACS : Moby Disk II). Etait-ce déjà le cas à cette époque?

Il n'y avait pas de modes d'emploi mais des outils. Ex : compresseur d'images CCB, utilitaires de copie rapide en mode semi protégé ou même protégé (la base était un soft de " Computer Associates ").

Comment a évolué le milieu du déplombage ?

Les crackers se sont succédés rapidement.
Aux USA, Krac-man a arrêté très vite au motif qu'il trouvait les protections vraiment trop nulles et les crackers nouveaux vraiment trop malpropres.
C'était l'homme de l'art (un américain) dont les fiches de cracking étaient un modèle du genre. C'est sans doute celui que j'ai le plus admiré.

En France j'ai rencontré certains de ceux qui nous ont succédés et je ne partage pas cet avis : il y avait des types très sérieux et très doués. Cela est d'ailleurs conforme à ce que je disais : tu peux devenir le meilleur en n'importe quoi si tu travailles d'arrache pied. Et travailler d'arrache pied cela veut dire qu'on sait qu'il n'y aura pas de résultats immédiats fantastiques, les gens abandonnent toujours trop vite, prends l'exemple d'une maquette de bateau : on fait la coque et hop fini, le plus difficile que sont les cordages ça passe à la trappe parce que c'est trop compliqué, pourtant le spectaculaire c'est quand c'est fini au complet!

Après les années 85, il y eu des guéguerres entre pirates à coup d'insultes par productions et cracks interposés. Avant 85 c'était plus calme ou je me trompe?

Comme je suis parti en province avant, je n'ai pas eu le temps de voir mais ce n'est pas dans ma nature. Je trouve cela un peu nunuche.

Les risques

Quelles dispositions prenais-tu pour ne pas être repéré par l'APP? Y avait-il des listes de personnes à coincer en priorité?

Aucune disposition mais lors des rencontres au Club Microtel d'Issy les Moulineaux il est vrai qu'on était prévenu d'éventuelles descentes de police. « On » nous disait qu'il ne fallait pas venir la semaine suivante. (Eh oui... il y a avait des policiers qui copiaient des logiciels... à titre de sécurité c'est le cas de le dire).
En réalité je n'en n'ai jamais vu mais comme je ne venais pas en cas de doute, je suis incapable de dire s'il y en a eu effectivement. Cela devait faire partie des mythes.

Pour les listes de noms je ne crois pas que cela ait existé mais cela n'aurait pas été difficile à faire : il suffisait d'en coincer un.

L'APP était vraiment la plus chiante mais je crois que c'était surtout pour avoir des abonnés.

Connais-tu quelqu'un qui se soit fait attraper pour piratage de logiciels ?

Non, à part... l'INPI : l’Institut National de la Propriété Intellectuelle (ah ah elle est bien bonne !!!)
Quand je l'ai appris, j'étais mort de rire : j'en aurais pissé dans le pantalon. C'est un peu comme un policier qui se fait pincer pour hold-up, ça faire rire (je suis vraiment con quand même, ce n'est pas très chrétien de se moquer).

As-tu eu des frayeurs à un moment ou à un autre?

Oui, une seule : quand le pirate de l'Appletell s'est fait pincer, il avait le fichier de tous ceux qui lui avait acheté des cartes vierges, j'étais dedans, comme pratiquement tous les autres crackers et de nombreux quidams.

Comment cela s’est il passé ?

Hello Informatique avait coincé LE contrefacteur de leur carte Appletell (carte minitel à 7500 FRF TTC à l'époque).

Il y a 2 versions de l’histoire :

Version 1 à laquelle je ne crois pas : le pirate était tombé sur un stock de 1000 cartes vierges chez le fournisseur d'Hello (ces derniers n'ayant pas acheté le dit stock.)

Version 2 qui me paraît bien plus réaliste (version que m'a donnée un ami commun) : c'est que le fabricant à reconnu le masque de la carte que le pirate venait se faire tirer. Le fabricant lui a dit "tiens j'ai déjà fait une carte comme ça. J'ai encore le masque".
La seule modif par rapport à l'original :
Au verso original SECTRAD
Au verso copie CTR... Ouah comme c'était fin ! J'en prend 1000 !
Il en aurait fait tirer 1000 quand même...Je te ferai une photo des deux côte à côte c'est saisissant.

Recto: carte original et copie

Appletell recto

Verso : copie "CTR" et carte originale "SECTRAD"

Appletell verso

Tu pouvais acheter le cuivre nu pour 250F et avec les composants tu pouvais avoir la carte pour 1500F. Lui revendait les siennes (ce que je n'ai jamais fait) 3500F en faisant de la démarche auprès des clients des magasins (eh oui dans les magasins eux mêmes)!
Pour sûr, quand tu passes de la vente de chechKebab, Merguez frites à la vente de modems, cela ne fait pas appel au même champ de compétences.

Evidement il s'est fait avoir en voulant vendre à un type de ... Hello qui vérifiait simplement si les vendeurs connaissaient bien leur carte du point de vue technique. Alors lui, quand il s'est pointé dans le plus pur style racolage tapageur (type pas clair du marché aux puces) avec des « Pssstt psstt j'ai moins cher mec », il a vu arrivé chez lui les flics et Hello. Je te passe la fin du film en accéléré : saisie matériel, préventive, juge, demande de dommages de Hello en calcul simplifié: 1000 cartes * 7500 = 7,5 millions. Ils ont réussi à le faire mettre en prison (6 mois ou 1 an mais c'est beaucoup).
Je ne sais pas combien ils ont eu, mais ce qui est sur, c'est que son appartement et toute son électronique y sont passés. Il s'est retrouvé à poil et dans le C.. la balayette et les poils en avant !!!

Par curiosité, comment peut-on reproduire une carte Apple II?

Pour refaire les calques de routage :

Si la carte est en mono-couche (un seul côté avec le routage) : SIMPLISSIME (limite mongolien)... merci Rank Xerox : photocopie.

Si la carte est en bi-couche (cas le plus fréquent chez les cartes anciennes) deux méthodes :

Si la carte est multicouches (alors là ça va ch... parce qu'en général le constructeur se casse pas le c... à faire compliqué, s'il l'a fait c'est que ça l'est). Tu reprends la méthode intellectuelle et tu tombes sur des impossibilités que tu résous avec des straps (les magiques petits fils dont on se demande parfois si ce n'est pas pour donner un goût de " fait main môsieur, à l'ancienne !!!")
Selon la complexité du routage multicouche tu peux arriver à des impossibilités financières pour les amateurs éclairés que nous sommes.

Pour la fabrication :

Pour le mono couche ou bi couche ... au perchlorure de fer et à la mimime (entre nous soit dit en passant, c'est aisé pour le mono couche, mais pour le bi couche il ne faut pas picoler avant, les trous bien en face des trous, enfin il y a des repères). Sincèrement ne le faire que pour le monocouche pour s'entraîner.

Pour le bi-couche tu vas voir un fabricant de cartes (il y en a plein qui acceptent le paiement autre que par chèque et carte bleue) et tu lui donnes tes calques qu'il reprend éventuellement et se lance dans la production. En général ces copies ont le beau vernis vert comme sur les originaux... mais pas la marque constructeur, ni aucune sérigraphie d'ailleurs because pognon ++. Je te passerai des photos, c'est beau !

2 squelettes cuivre de contrefaçons: carte Appletell vierge "CTR" et carte 128k Legend vierge (sur la Legend, il y a les initiales du pirate en gothique!!)

Appletell et 128K legend

Il y a d'autres problèmes que le joli circuit : il y a les GAL. Ce sont des circuits programmables avec une machine chère et dont certains ne sont pas lisibles pour la copie, et qui se détruisent en cas de tentative, un peu comme ta carte bleue quand tu rates le code trois fois de suite.

Sauf erreur sur les transwarps d'Applied Engineering (AE) il y a du GAL... à vérifier.

Autre problème : ces salo%@$£ de circuits qui se soudent à l'électrique (les gros pavés carrés en général) mais cela peut se contourner avec les supports.

En règle générale les cartes mères sont souvent multicouches et les cartes d'expansion bi-couches.
Et voilà, encore une belle réalisation française...

Après toutes ces années et l'obsolescence des techniques, as-tu encore des craintes que ton passé de pirate puisse te nuire? Maintenant que tu as transformé tes diskettes 5.25p en disk images .dsk, comptes-tu les diffuser sur Internet (notamment tes sources techniques avec spiraling and co, ...)?

Je n'ai rien mis sur Internet pour plusieurs raisons :

La prescription est quelque chose avec laquelle je n'envisage pas le moindre test.
Tu auras toujours un ahuri qui prétendra que sa boite a coulé il y a 20 ans parce que des voyous ont piraté ses logiciels et que s'il ne savait pas comment déposer plainte c'est parce qu'il ne connaissait pas les méchants (tu notes quand même que la plainte contre X existe). En tout cas je n'ai aucune intention de vérifier si cela marche ou pas.
Si tu regardes les nouvelles lois en préparation, ce ne sont plus les simples pirates qui sont punis mais même les hackers qui  expliquent le fonctionnement d'un système (cf. les protections DVD).

C'est vrai que ce n'est pas rétroactif mais la connerie l'est, c'est sur. D'ailleurs quand on dit "on ne peut pas être et avoir été" et bien si... "On peut avoir été un con et l'être encore " (c'est souvent le cas).
Seule la Finlande nous offre encore un abri, mais purée ça caille! Et de tout façon pour combien de temps ?

La contre-offensive sera de toute façon pire car les sites pirates, ou hackerz qu'importe, se feront en utilisant des ressources volées genre université (tu trouves tout de même aujourd'hui des copies de ROMGBA dans des directories "/univ.rantanplan/.../.../../meilleures copies")

Il n'y a qu'aux US où tu peux afficher n'importe quoi sans être ennuyé.

Cf. textfiles.com de mon sympathique correspondant Jason Scott.
J'ai scanné pour lui des computists mais il lui en manque toujours. Je n'ai pas tous les numéros : il reste des trous.
Message subliminal : "si tu as des numéros manquants, n'hésite pas, il sera très heureux".

Pour les sources spiraling je te les passerai. Tu pourra les mettre sur ton site, personne ne peut pleurer que cela lui appartient. Je te passerai aussi des disquettes avec des RWTS et des fichiers de crack mais c'est en bordel complet : je n'ai jamais rangé les fichiers. Tu crackes, tu utilises une ou plusieurs disquettes et tu les mets dans un coin, résultat : c'est le souk.

Questions diverses

Sais-tu comment se passe le processus de duplication en masse d'un logiciel Apple II par un professionnel de la copie? Dans certaines pubs de magazines américains en 84 (celle notamment pour DYSAN) le duplicateur professionnel propose aussi de faire du plombage. Quelles techniques ont été utilisées par ces pros?

Non, je suis une vraie buse sur ce sujet et je ne m'y suis jamais intéressé.

Je suppose que ce devait être avec des changements de formats, des synchronisations, des utilisations de demi-pistes, extra pistes et nibble count.

Est-il déjà arrivé qu'un duplicateur refuse de s'occuper d'un soft car la protection mise en place par l'éditeur ne permet pas la copie industrielle?

Eh bé comme je ne sais pas comment ça marche je ne sais pas répondre mais je suppose que tu dois avoir des contraintes d'utilisation. Pendant un moment où on parlait de weak-bits, je me suis dit que cela pouvait se faire que sur ces machines spécialisées mais sans plus, le mode de lecture des transitions magnétiques sur Apple II ne devrait théoriquement pas permettre cette fantaisie. Le weak bit, comme son nom l'indique est un bit "faible" qui est lu tantôt comme un 1 tantôt comme un 0, et en essayant de le lire plusieurs fois tu ne dois jamais tomber systématiquement sur l'une des valeurs mais bien l'une et l'autre, de ce fait le schéma est simple, si je ne lis que des 1 ou que des 0 c'est une copie donc je dois planter. Cela se trouve sur PC, c'est techniquement impossible à reproduire sur des drives normaux mais c'est une protection très conne un peu dans le style "Prolok" mais en mieux tout de même.

Est-ce qu'Apple préconisait le plombage systématique des logiciels de sa gamme A2?

Pas à ma connaissance.
Apple vendait, et vend toujours, des machines.
Leur intérêt c'était qu'il y ait des softs.
Regarde le IIGS qui s'est voulu compatible avec l'Apple II ! Apple aurait pu faire une carte d'émulation comme pour le Mac et faire une machine géante capable de concurrencer Atari et Amiga... mais qui aurait eu l'inconvénient majeur de concurrencer Macintosh. C'est d'ailleurs sans doute la raison de la non sortie du GS ROM4 pour lequel j'ai une cassette US de présentation dans un club de Californie qu'il va falloir que je retrouve dans mes cartons... ce ne serait pas mal sur ton site d'avoir de telles photos. En plus Woz était revenu chez Apple travailler sur le GS alors avec sa manie hystérique de toujours vouloir prendre les composants les moins chers et de chercher la compatibilité à tout prix évidement ....

As-tu une idée comment des écrans de softs piratés ont pu se retrouver sur les publicités d'Apple parues dans la presse informatique pour le lancement de l'Apple //c?

Je ne sais pas mais cela te montre bien que les copies sont diffusées partout.
C'est peut être le publicitaire qui n'a pas fait attention, parfois dans certaines pubs on voit des choses étranges, ce n'est pas sans rappeler certains tissus où la société ayant pignon sur rue fait un beau dessin avec un parchemin sur lequel tu lis en oblique un texte écrit en latin qui comporte dans les phrase un méchant "copyright hermes" et le copieur chinois ne fait pas attention aux caractères gothiques, il pompe intégralement, met un autre nom sur l'étiquette et se fait coincer quand même.

J'ai un pack de copieurs signé MicMac & The Softman. Avais-tu fait le tien aussi? (Ou CES)?

Pack copieurs

Softman et moi en avions fait un. Je ne sais pas s'il a été très diffusé dans la mesure ou lorsque tu as un pack tu n'en reprends pas un autre s'il y a la même chose dessus.

A cette époque, on t'aurais proposé de cracker le dernier ECA avec un spiraling d'enfer ou un repas en tête à tête avec une jolie fille ne s'intéressant pas à l'informatique, quelle option aurais-tu privilégié?

En fait comme les spiralings d'ECA étaient tous les mêmes quasiment, on pourrait comprendre une hésitation avec le repas (plus que la fille) mais en ajoutant "nouveau" au mode de protection il n'y a pas photo : ECA.

T-shirt ECA


Questions sur tes autres activités sur l'Apple II

As-tu réalisé des développements en dehors de tes cracks?

Oui, sur Apple des softs de gestion (labo analyse, dentaire, coiffeurs, gestion commerciale et autres professions variées) dont certains ont été des échecs, des utilitaires de protection (succès d'estime), une bibliothèque de fonctions mathématiques pour AMD, des bibliothèques de fonctions SGBD et même un soft de crytage/codage. Sinon sur d'autres brillantes machines aussi : le BULL DPS7... pas un portable la bestiole, à l'époque 20 gigas sur 100m2 de salle climatisée !

Softman a travaillé pour Infogrammes et protégé son jeu (honte à lui !)

Quels outils utilisais-tu ?

J'utilisais Merlin comme assembleur. Softman lui préférait SC-ASM.
Par contre Sourceror était le meilleur pour désassembler.
J'ai aussi beaucoup programmé en C.

En quoi le piratage t-a été utile ?

L'intérêt du cracking a été formateur parce que tu avais des trucs absolument géniaux tant sur les softs eux mêmes que sur la protection. On découvrait également de belles surprises : l'éditeur de shapes d'Archon était un exemple mais certains laissaient des bouts de sources sur des secteurs inoccupés, sans faire exprès mais uniquement en constituant la disquette master pour la diffusion à partir de leurs disquettes de développement ("Lode Runner", "Conan", etc...)

Y a-t-il eu un projet " pro " Apple II qui t'a particulièrement marqué ? Si oui, peux-tu nous en donner une description ?

Oui. Mon système " Cluster sceau de Salomon ".
Il s’agit d'un système de cryptage/stéganographie.
J’ai vendu ce système à une société qui fait dans l'import/export bien classique mais qui ne souhaite pas que quiconque puisse regarder de près ses échanges entre ses filiales et la maison mère. Elle n'a pas confiance en son gouvernement (réduction des droits en permanence) ni dans les autres solutions qui peuvent être crackées malgré leur complexité (clefs PGP, ...)
Il y a eu deux versions en 87 et 92 et je suis lié dans un contrat très à la con jusqu'en 2007 pour la v1 et 2012 pour la 2ème. Vous ne saurez donc pas tout.
Aujourd’hui, la société utilise toujours le même système qui n'a pas à ma connaissance encore été cracké (la V2 certain). A l'époque de la vente, la société a payé 8 spécialistes pour casser le code. Ils ont essayé pendant 4 mois sans y arriver.
Le système utilise plusieurs machines Apple (obligatoirement de type différent mais avec au moins deux Apple IIe) le soft est absolument identique sur chacune des machines (sauf pour la v2 ou il y a une nuance avec des PC).

Il y a des machines à un point émetteur et des machines à un point récepteur mais chaque système ne communique pas avec le monde extérieur : c'est le fichier résultant qui est transmis.
Les machines à chaque point sont reliées entre elles par connexions : super séries classiques pour un point + Appletalk pour l'autre.

Le soft ici traite à la fois un code et un crypt. C'est l'ensemble qui rend le résultat non déchiffrable. C'est la façon dont le cluster est monté et dans le corps du crypt qu'il y a la solution.

Il n'y a pas d'échange de clef entre émetteur et destinataire et le décodage ne peut se faire que sous trois conditions :
- connaître la façon dont le cluster est organisé pour le déclarer à deux des machines.
- avoir le soft de base .
- avoir les ROMS modifiées de deux machines spécifiques du cluster (impossible sauf braquage et démontage des machines qui sont sous clef et en fait en faible nombre).

Le nom " sceau de Salomon " n'est pas pris au pif car le cryptage terminé doit représenter ce sceau en HGR1 et HGR2.

Sur la V1, l'échange se faisait sur des disquettes Apple non formatées mais avec un placement des segments du sceau sur des secteurs placés en utilisant les 1/4 de piste pour éviter les copies. Il s'est avéré inutile de faire ainsi car le message n'est pas décodable même transmis de façon non sécurisée. Les disquettes n'étaient pas toujours facilement lisibles selon les drives et la RWTS que j'avais placée ne supportait pas plus de deux tentatives de lecture. Par ailleurs la transmission ne pouvait se faire que par voie Fedex ou DHL (rapide mais pas instantané).
 
Qu'es-tu devenu après ta période de cracks Apple II ?

Honte et infAAAAmie, je suis passé sur PC après l'Apple IIe et non GS mais plus pour raisons professionnelles.

JPL au présent

Quel âge as-tu maintenant et qu'es-tu devenu?

Je suis de 1955, un résultat de l'hiver 1954 quand les parents avaient des chemises trop courtes pour des nuits bien trop longues et bien trop froides. Je suis un respectable citoyen qui travaille honnêtement (mais ça a toujours été le cas si on exclut le fait que cracker est une activité de voyou).

Ton métier a-t-il toujours un rapport avec l'informatique?

Oui et non c'est une réponse de Normand, mais quand tu vieillis tu changes de poste et tu t'éloignes de plus en plus de l'analyse informatique et du développement, donc cela fait un bout de temps que je travaille plus sur des questions stratégiques que sur l'optimisation d'algorithmes.

Malgré cet éloignement, j'ai toujours plaisir à converser avec un fan d'Apple II car la plupart de mes amis et collègues me regardent comme un martien quand j'en parle, attendri.

Quand tu parles d'une machine dotée de 64K de RAM, des disquettes de 143 K et un processeur 8 bits à un Mhz, personne ne comprend. Avec moins de 512 Megas de RAM et moins de 2Ghz de processeur, tu es vraiment le couillon du quartier!

Y a-t-il autant de passion qu'à l'époque apple II?

Oui, sais tu que sans vergogne je cracke encore des softs éducatifs que je viens de récupérer d'un labo US ?

Est-ce que cette période Apple II t-a été profitable pour ton métier?

Oui incontestablement. L'Apple II c'est toute l'informatique dans une petite boîte.

Pour tes besoins quotidiens (navigation internet, messagerie, traitement de texte, ...), utilises-tu un PC ou un MAC ?

J'ai un PC à 500Mhz (que j'use jusqu'à la corde) et un Mac G3.

As-tu conservé ton matériel Apple II après toutes ces années ?

Oui, et je collectionne ce type de machines.
J'ai du GS du IIe etc... en 110V (because from US) et 220V quand même.

Des cartes avec disque dur interne pour Apple II et IIGS.
Une Transwarp et des ZIP, des scsi, des cartes workstations, cartes co-processeurs, cartes taxan, profile, des ventilos "saver" pour IIGS (que d'astucieux malins font passer pour des disques durs externes auprès de gogos) etc...
Bref des cartes d'expansion à ne savoir qu'en faire.

Je possède aussi une douzaine de macs de collection (LC et autres avec pour certains des cartes émulateur IIe) que j'adore aussi.
 
En fait ma collection n'est pas si énorme en variété puisque je ne conserve que des Apple (à de très rares exceptions près).
J'ai d'ailleurs dû me séparer dernièrement d'une trentaine de GS... à cause des menaces de ma femme :-(

Je dois aussi avoir un vieux catalogue des cartes S**** (très complet à l'époque) et des magazines "Nibble", sans compter ce que je récupère régulièrement.

Lors de mon retour des US, mon connard de déménageur a réussi à me paumer 16 cartons! C'est vrai qu'il y avait du linge (et là je m'en fiche) mais je me suis aperçu qu'il y avait des cartons de docs et de hard (et là ça m'a gonflé).

As-tu des pièces rares ?

un Prototype du GS, une pippin en proto aussi, avec un jeu de rom03 et 16Mo. (Oui oui pas 8Mo), du IIe en IIGS (stealth).

Les autres machines - même le Mac classic color, l'apple IIC plus, ou la carte contrôleur du Profile - ne sont pas réellement rares il faut encore attendre 20 ans. Si on exclut les protos, le IIGS Stealth peut-être commence à être rare (évidemment à raison de moins de 10.000 exemplaires au départ).
J'ai aussi la doc technique associée du proto GS (essentiellement soft) et elle est bien plus sexy que les bouquins qui ont été fournis après.

Par contre, je recherche un KIT IIe upgradé en IIGS car le mien est incomplet : il manque les plaquettes APPLE IIGS (c'est con je sais).

Et côté logithèque Apple II?

Comme tu t'en doutes, j'ai une multitude de softs PRESQUE tous délivrés de ce mal qui gêne la copie, et surtout les photocopies d'à peu près toutes les docs.

Pour les disquettes, je suis assez surpris de leur bonne tenue.
A l'époque, la longévité prévue était de 10 ans mais en fait les disquettes de qualité tiennent parfaitement. Il n'en reste pas moins que j'ai transféré un max sur PC avec ADT puisque la reconstitution marche parfaitement.

Quelle rôle penses-tu que l'Apple II ait eu dans l'histoire de la micro informatique?

GIGANTESQUE : L'ORDINATEUR POUR (PRESQUE) TOUS ET A LA MAISON.

Apple a eu et a toujours un seul défaut : trop cher et Steve Jobs n'y est pas pour rien.

On devrait élever une statue à WOZ ! Mais également le flageller car son obsession à vouloir faire un maximum avec un minimum de composants les moins chers possibles ça crispe parfois (regarde le graphisme et compare aux Atari et Amigas de l'époque) Apple est incontestablement LE précurseur à grande échelle.

Steve Wozniak
Steve Wozniak

Bon ok je sais que c'est un français qui à inventé le micro ordinateur (Ebay aussi d'ailleurs).
La taille mondiale d'Apple, c'est incontestablement grâce à Steve JOBS quoiqu'on puisse en dire.

Ce qui m'a toujours scié à la base c'est de savoir qu'à la création d'Apple, ils étaient 3 et non 2, mais que le troisième a revendu ses billes pour une poignée de moules quand il a s'agit de prendre de la dimension. C'est fou non ? Il doit encore se mordre les roupettes.
 
Fréquentes-tu toujours un underground informatique?

On ne peut pas vraiment dire que ce soit ainsi mais ce n'est pas complètement faux.

Regrettes-tu ce passé de déplombeur?

Non, à refaire je referais. Il faut préciser que le but n'a jamais été de nuire aux boîtes de softs même si cela a été effectivement le cas.

J'en profite pour dire que cela m'a toujours amusé de voir ces softs marqués « cracked by dugland », on peut se demander ce qui s'est passé dans la tête du dugland en question (nom d'emprunt car j'ai oublié celui qui était écrit).

Il aurait pu mettre ça aussi sur le «DOS 3.3 master» pendant qu'il y était. (Pour rappel, cette disquette était le système d’exploitation livré avec la machine et ne comportant bien sur aucune protection).

Quel est ton sentiment sur le piratage d'aujourd'hui?

J'ai toujours découplé le terme piratage du terme hacking, le premier étant répréhensible le second moins même s'il reste la porte d'entrée du premier.
Si tu prends le piratage audio et vidéo, il est curieux de voir que cela joue moins que la nullité des politiques de prix entre les sociétés. En clair elles perdent plus d'argent dans les guerres de prix entre concurrents que ce qu'elles perdent en potentiel de vente avec le piratage. Par ailleurs croire que tout le monde va acheter leur produit génial est d'une débilité sans nom, comment fait un étudiant quasi sans fric ? Il y aura toujours du piratage des produits de grande consommation que le produit soit cher ou non, mais si le produit est cher cela rend le piratage intéressant et là tu changes d'échelle : cela attire les requins. Un logiciel de traitement du signal à 100.000 euros est rarement piraté, un logiciel de jeu plus souvent déjà. Regarde les cartouches gameboy.

En fait je suis plus inquiet par les dépôts de brevets logiciels et brevets en tout genre (le plus con étant celui qui a déposé un brevet pour un ordinateur sans dire ce qu'il y avait dedans mais en décrivant uniquement et approximativement sa forme ce qui lui permet en principe de toucher des royalties sur tous les portables dont le look s'en approche). Le brevet logiciel est une stupidité sans nom, on ne protège pas une découverte, on freine l'innovation. C'est pas du tout pareil. Je crains que nos politiques n'aient pas bien entrevu le problème qui ne leur a été présenté que sous la forme «il faut protéger les industriels». Un soft de comptabilité mettra toujours en oeuvre le plan comptable de la même façon et breveter cette façon de faire va empêcher les autres de travailler. Et si le type qui a inventé le MP3 l'avait breveté ? Serait-il riche ou le MP3 inconnu ? Vaste question qui sera sans réponse.

Autre sujet d'inquiétude : tu seras (peut être même "tu es" à ce jour) punissable si tu dévoiles la façon dont un système de protection fonctionne, hallucinant ! C'est un peu comme vouloir réglementer la vente de marteaux et de vin parce qu'un zozo a bousillé sa femme avec un marteau un dimanche soir après avoir torché deux litres de rouge. Pour moi c'est à 180° de ma philosophie qui est de partager et faire partager le maximum de connaissances. Si on continue dans cette voie l'underground va revivre de très beaux jours mais ce ne sera pas pour me déplaire, par contre il faudra être très très prudent.

Dans la même veine : pourquoi je n'ai pas accès en France à tous les sites de la planéte au motif qu'ils délivrent parfois des messages malsains ? Ce n'est pas que cela m'intéresse mais si je suis considéré comme adulte je ne vois pas pourquoi on me traiterait comme un enfant. La réponse c'est souvent, mais non c'est pour ceux qui ne savent pas faire la différence ! Mon Q ! Aux USA il y a liberté totale de l'expression et il ne m'a pas semblé que cela nuise. En Chine il n'y a pas de liberté totale d'expression et il m'a semblé que c'était plutôt nuisible. Essayerait-on en France de trouver une vie médiane ? Vouloir empêcher l'expression des idées n'a jamais marché longtemps alors pourquoi choisir ces voies sans issues ?

Quelques signatures ou ... absence de signature!


Broadsides
Epidemie
Jungle Hunt
Cracking Elite Software
Skyfox
Sundog


Maxi cadeau BONUX

3 disquettes de folie:

1) Copieur des premiers SSI en RDOS 2.1.

Copy SSI
Copy SSI
Copy SSI

Floppy
DOS 3.3
Source du copieur d'originaux SSI (gzipped)


2) Sources du MCODE d'Electronic Arts (différentes versions).

MCODE
MCODE
MCODE

Floppy
DOS 3.3
Source du décodeur de pseudo-opcodes Electronic Arts (gzipped)



3) Source d'une RWTS 18 secteurs.

RWTS18
RWTS18
RWTS18

Floppy
DOS 3.3
Source d'une RWTS 18 secteurs (gzipped)