Numero 6

Interview lancée en mai 2008.
Dernière mise à jour: samedi 8 novembre 2008.

1) Introduction

"La télé, c'est de la merde !!"

Sans aller jusqu'à cet extrémisme (quoique souvent...), il faut bien avouer que les contenus que nous proposent les différentes chaînes attisent guère mon enthousiasme...
Pour compléter les films d'auteurs que diffusent encore - fort heureusement - certains cinémas de quartier, la chaîne ARTE tire son épingle du jeu.
En faisant un bond dans un passé pas si lointain, au plus fort de la crise franco-américaine sur la guerre en l'Irak, ARTE avait programmé plusieurs soirées thématiques sur cette actualité.
Je me souviens qu'avait été abordée la méthodologie de l'équipe de Bush jr (avec ses néo-conservateurs et ses spin doctors) qui lui permettait de faire passer des lois contre les libertés individuelles en faisant planer les pires menaces terroristes.
Un rapprochement avait été fait avec les théories sur le conditionnement des masses mises en oeuvre par Joseph Goebbels alors ministre du Reich à l’éducation du peuple et à la Propagande sous le régime nazi.
Une de ces méthodes consiste à répéter sans arrêt les mêmes mensonges au peuple, ce dernier finit par y croire dur comme fer (avec des piqures de rappel dès que la tension baisse). C'est ainsi que même aujourd'hui certains américains sont toujours persuadés que des armes de destruction massive ont été trouvées en Irak et que Saddam Hussein avaient des liens directs avec Al Qaïda ainsi qu'une responsabilité dans les attentats du 11 septembre.

En duo avec la méthode précédante, la stratégie complémentaire consiste à gonfler une menace au point de susciter un climat de peur et de paranoïa aigue. Il devient alors possible de faire gober plus facilement n'importe quelles solutions permettant d'y remédier, solutions qui dès qu'on y regarde de plus près permet surtout de remplir les poches des intéressés et/ou de leurs proches.

A l'époque, on avait bien rit (encore que...) de la naïveté de nos alliés d'outre-atlantique avec leur chaîne ultra-réactionnaire Fox News.
Mais la question qui mérite d'être posée est: "est-ce que par hasard, ce genre de pratique ne serait pas également de mise chez nous pour de tous autres sujets afin de masquer des faits de société ou des commerces au fondement pour le moins douteux"?

Prenons un cas qui nous intéresse plus particulièrement, celui de la micro-informatique.

En flanant dans le rayon presse de la supérette à deux pas de chez moi, j'ai acheté un magazine hors série de SVM (collection Les Grands Dossiers) dont la couverture de garde a déjà pour but de faire froid dans le dos: "Les mafias attaquent le Web... le cri d'alarme des experts - Les parades pour l'internaute".
Bigre, tout un programme!!!

SVM Mafia du Web

Utilisateurs, tremblez!!!
Vous êtes plus qu'en danger.
Un inventaire complet décrit les risques qui vous attendent dans votre quotidien d'internaute de base dans le cadre d'une utilisation personnelle ou professionnelle.
Le contenu de ce magazine est largement représentatif de la litanie permanente des sociétés de sécurité (et de certains éditeurs de système d'exploitation) invitant à acheter leurs produits pour sortir "couvert".
Quand je lis ce genre de dossier, je me marre bien souvent. Non pas par le contenu lui-même mais en examinant la liste des annonceurs.
Ici au menu:
Quelle crédibilité accorder à des articles faisant planer une menace insidueuse quand la page suivante est une pub censée répondre à ces problèmes?
Sommes-nous crétins à ce point pour nous laisser berner par de pareilles ficelles?
Où se termine l'information et où commence la réclame informative?

Du coup, je lis le magazine à l'envers, ça m'énerve moins!

Dans ce numéro, j'ai surtout retenu 3 points:
Il faudrait donc rechercher une société éditrice de logiciels d'envergure qui a coulé et pour laquelle une trace écrite relate les motifs du nauvrage.
On ne peut pas dire que cela court les rues et pourtant il y a un cas et français de surcroit: l'ex-société Kalisto dirigée à l'époque par Nicolas Gaume.
C'est un exemple intéressant à plus d'un titre car Nicolas n'a pas été avare en détails et en confidences: son livre Citizen Game (paru chez Anne Carrière) retrace sur un peu plus de 400 pages son aventure dans le monde du logiciel ludique, et ce depuis son enfance avec ses premiers contacts avec un ordinateur (un Apple II) jusqu'au nauvrage final en pointant systématiquement du doigt ce qui a causé du tord à son business...

Citizen Game
Citizen Game

Alors à votre avis, quelle est la part de responsabilité des méchants pirates du logiciel dans la chute de cette société saluée à son zénith par les médias comme un modèle de success story "à la française"?
La réponse de Nicolas Gaume est... ZERO!!!!
Pas une seule ligne sur le piratage des logiciels produits par Kalisto (ni Atreid Concept l'entité d'origine ni Mindscape Bordeaux l'entité intermédiaire).

Non, les embuches sont venues d'ailleurs: des autres sociétés éditrices, de contacts commerciaux malhonnêtes, des transitions technologiques et des retards des constructeurs, des banques, de la difficulté à trouver des personnes de confiance à certains postes de responsabilité, de ne pas savoir "utiliser le bon outil au bon moment", une bonne part de naïveté, des conséquence de l'absorption temporaire par Mindscape (et Pearson), du danger des requins de la finance qui coule la trésorerie et ne comprennent pas l'activité de leur client, des risques inhérants à cette activité bien particulière, le facteur "pas de bol", etc...

Il faut noter que les logiciels créés par Kalisto étaient considérés comme des jeux de qualité et logiquement les ventes ont donc suivi pendant plus de 10 ans même si Nicolas et son équipe ont du batailler ferme pour cela. Puis la suite est un mélange d'Icare et de "Swimming with sharks" avorté qui ont laissé Nicolas sur la paille avec le moral dans les chaussettes (et les petits actionnaires aux fesses) ainsi qu'une nombreuse équipe de développement à la rue.

Ce qui est "amusant" dans ce livre, c'est que la seule fois où il est question du piratage de logiciels (à savoir avant la création de sa société), Nicolas raconte sans le moindre remord qu'il appartenait à l'underground de l'Apple II et IIGS!!!
Il échangeait des softs piratés et il ne s'en cache pas!!!

Les pages 50 à 57 réjouiront tous ceux ayant connu cette période, et plus particulièrement ici au "début de l'année scolaire 1988-1989".
Ci-dessous quelques citations des passages 'sympatiques':
Nicolas conclut très justement ces quelques pages: "Tout cela est un vaste jeu, fait de défis, de dépassements..."


Nous arrivons à présent à grand pas au coeur de cet article. Laissons une dernière fois la parole à Nicolas Gaume qui va faire la transition pour moi.
A propos de la demo-party de Mulhouse:  "Toutes les stars de notre petit milieu seront là: le FTA de Dijon, le F.U.C.K. de Strasbourg; on murmure même qu'il y aura Mister Z et peut-être le mythique Numéro 6".

YES!!
Nous y voila!!!!
"Le mythique Numéro 6".

Voila un pirate qui a fait l'unanimité auprès de ses confrères du déplombage.
Alors, qui pourrait être le plus à même d'évoquer cette période et de faire la jonction avec le piratage actuel?

Mais encore faut-il trouver notre homme!
Il avait totalement disparu, rompant le contact avec ses "camarades" de l'époque.
Son ex-femme l'annonçait même "décédé" à ceux essayant de retrouver sa trace par son biais...

Et pourtant Numéro 6 n'était pas en villégiature à Portmeirion...
Non plus en exploration sous marine à la recherche d'un galion coulé par quelque acte de flibusterie...
Encore moins en congés à Fleury-Mérogis...

Alors envolée notre légende du crack???
Que nenni!
Comment un homme qui souvent répète dans ses propos "On y reviendra" ne pouvait-il pas l'appliquer à lui-même?

Un concours de circonstance et le miracle s'est produit...
Tentant sans trop y croire un lancer de grappin d'abordage, la porte du poste de pilotage s'est ouverte alors qu'elle était restée close pour d'autres.
Pourquoi?
J'avais sans le savoir un atout dans mon jeu de poker: le roi de coeur en la personne de JPL.

Numéro 6 a donc accepté le principe de cette interview mais on ne se refait pas!
Epris de liberté, N6 l'a conditionnée, lui a donné un fond et une forme modelés selon sa sensibilité d'artiste: elle ne ressemble donc à aucune autre.
Pour le fond, il ne s'agit pas d'une interview mais du fruit de ses souvenirs et de ses réflexions.
Pour la forme, j'ai laissé ses "mémoires" dans son habillage d'origine: une présentation élégante aux couleurs propres à chaque niveau hiérarchique; ma propre prose restant quant à elle (comme d'habitude) dans son habillage monochrome.
Les proches de Numéro 6 reconnaitront son style, sa précision, le mordant de son intelligence et ses uppercuts à la machoire de la pensée préfabriquée.
Lire cette interview après le SVM, c'est un peu comme regarder le film Mazeppa de Bartabas après avoir suivi la discipline soit disante reine de l'athlétisme aux JO, à savoir la finale du 100m.
Après les bourrins bipèdes élevés aux stéroïdes pour qui galoper le plus vite possible entre deux points constitue la preuve de leur suprématie corporelle, de mémoire Franconi (l'écuyer qui dirige une troupe ambulante de cavaliers et qu'on appelle Le Maître) donne le vrai spectacle de sa maitrise des chevaux: faire courrir sa monture quasiment sur place pendant un temps infiniment long par rapport à la distance à parcourir et juste avant de franchir la ligne d'arrivée repartir à reculons (!) pour finalement repasser la ligne de départ quand les derniers grains tombent dans le bas du sablier: distance totale parcourue = 0!!!
Une autre conception ô combien plus spectaculaire et élégante de son savoir faire.


Alors qu'aurais-je du faire à son texte?
Lui faire subir les outrages de commentaires insérés directement dans ses organes vitaux?
J'ai jugé que non: il n'est pas nécessaire d'avoir un master en psychologie pour se rendre compte que, tout comme une belle routine de disk II optimisée au cycle près ne permet pas l'intrusion d'instructions supplémentaires, patcher le discours aurait risqué au mieux de l'alourdir, au pire lui faire perdre le fil. 
Mes remarques et commentaires sont donc relégués en bas de page.

Voici donc les pensées de notre légende, précédées de quelques mots en guise d'introduction:

"25 ans plus tard, que reste-t-il des polémiques, des compétitions et des conquêtes presque guerrières de l'époque de l'underground Apple?
Il m'en reste comme un parfum, une certaine idée.
Ce sont ces effluves qui m'intéressent parce qu'elles restent les témoins d'une recherche de sens, parce qu'elles sont les traces d'une vraie culture, parce qu'elles continuent à relier un petit groupe d'individus. En un mot, parce qu'elles ont créé des liens.
Voilà ma réponse : elle n'a peut-être pas l'apparence traditionnelle d'une interview, mais j'espère qu'elle fera bonne figure".

Crack N6

2) Réflexions de Numéro 6



Bonjour chez vous !
Pirates, mes amis, mes frères ...

Où l'on voit que Numéro 6 se sent réanimé par le témoignage des pirates de renom.
Où Numéro 6 se nomme.


L'honorable Deckard m'ayant donné la parole, qu'il me soit permis d'interpeler et de m'adresser collectivement à tous ceux que j'ai pu côtoyer il y a presque 25 ans.


Pour vous demander pardon !
Pardon de vous avoir oubliés : mis à part JPL, un vrai frère jumeau, de ces hommes qu'on ne peut pas oublier, s'il me le permet, je ne me souviens plus de vous et de vos visages, alors que vos témoignages parlent de Numéro 6 en des termes qui me font rougir.
J'ai une excuse, bien faible : j'ai voulu enterrer mes vieilles images et leurs icones dans le même temps que j'essayais d'effacer les traces d'un mariage raté tout en préservant la seule chose qui fasse le bonheur d'une vie - et ses tracas, petits et grands : un enfant, ma fille qui aborde aujourd'hui, brillante, son âge adulte alors que son grand-père vient de mourir.

Vous réapparaissez dans ma vie, non pas comme les fantômes d'un passé honteux, mais comme des voix lointaines me rappelant à une vie que je n'aurais jamais voulu abandonner : il n'est plus temps de se taire ; vous m'avez montré à nouveau le chemin, je vais joindre ma parole aux vôtres ...


... Pour adresser un hourra formidable à Deckard et JPL pour leurs sites.
Associés à d'autres sites de part le monde, ils constituent un véritable musée vivant, une réserve de savoirs sans prix, un témoignage extraordinaire d'une époque révolue qui a jeté les assises de l'informatique d'aujourd'hui et, je le crois, préfiguré les combats de demain pour une certaine idée de la liberté.


... Pour honorer ceux que nous étions.
Bien sûr, l'écrasante majorité des pirates n'étaient que consommateurs de logiciels copiables dans un environnement économique hypocrite. Bien sûr, une grande partie de l'underground n'était motivé que par une course éphémère à la renommée où la rapidité de la compétition l'emportait sur la qualité de la course et la valeur du trophée. Bien sûr, une petite mafia sans trop de scrupules cherchait des moyens obscurs de monayer leur petit savoir. Mais ceux qui y ont laissé leur pseudo, leur petit nom, étaient, peu ou prou, motivés par quelque chose de grand, qui les dépassait, et dont on cherchait à les déposséder : un morceau de culture.


... Pour saluer ceux que nous sommes devenus.
'GodFather', tu n'es le Parrain que d'une mauvaise mafia.
'Lot', à propos, pourquoi t'appellais-tu 'Lot' ?
'Mister Z', tu te représentes comme l'inconnu d'une hypothétique équation.
'JPL', tu ne t'es jamais vraiment caché derrière des initiales.
'Numéro 6' j'ai été, 'Numéro 6' je suis.


J'ai longtemps cru que mon pseudonyme, 'Numéro 6', n'était dû qu'à l'admiration sans limite que j'avais et que j'ai toujours pour le feuilleton britannique 'le Prisonnier' de Patrick Mc Goohan: "Je ne suis pas un numéro ! Je suis un homme libre !" - Souvenez-vous ! Il m'a fallu près de 20 ans, et je rigole encore de mon caractère ingénu, pour m'apercevoir qu'il évoquait aussi le rang que j'occupe dans ma fratrie : je suis le sixième et dernier enfant de mes parents. Ma merveilleuse femme est 'Numéro 7' de la sienne. Il y a des forces auxquelles on n'échappe pas et auxquelles on n'aurait voulu échapper à aucun prix.


Mes amis m'appelent 'Jean-François' :
je suis Jean-François CARETTE, fier d'avoir été et d'être toujours des vôtres !

01.Pourquoi N6 est devenu pirate ?
Où l'on apprend pourquoi N6 est devenu pirate.

Parler de soi, c'est se mettre en scène, la plupart du temps au centre de la scène.
Alors, commençons tout de suite par poser un peu de distance ; mon père me répétait souvent :
"Bienheureux ceux qui sont capables de rire d'eux-même, ... ils n'ont pas fini de rigoler !"


Fin des années 70, j'avais créé un cabinet conseil dont la vocation était de développer des inventions ; il n'a laissé aucune trace dans l'économie de ce pays, mais il m'a permis de rencontrer pêle-mêle un cousin d'Estaing, le frère de Pierre Desproges et un membre de la famille Ouphouët-Boigny, sans oublier quelques escrocs : j'ai ainsi pu travailler sur des projets d'énergie solaire, d'enrênnement de chevaux et de commerce de cacao. Les deux projets qui ont connu un tout petit succès étaient la création d'un jeu d'entreprise façon Monopoly et un logiciel tout-à-fait remarquable. Nous y voilà !

J'avais fait la connaissance d'un "savant fou", dont IBM avait fini par se débarasser et qui avait écrit en Pascal un logiciel d'Enseignement Assisté par Ordinateur : ce logiciel était capable d'interpréter le langage naturel, et donc de créer des modules d'apprentissage spectaculaires.
Je passe un accord de commercialisation, je réjouis mon banquier qui me prête un peu d'argent et j'achète un Apple ][e. En 18 mois, je réussis à vendre quelques licences - près d'une vingtaine en fait, probablement les seules qui auront jamais été vendues ! Tout ça pour ne gagner que quelques misérables copeks et comprendre, mais trop tard, qu'à l'instar de tout inventeur, le savant en question ne voulait pas réellement vendre son produit et en abandonner la paternité : je l'ai entendu refuser une proposition d'achat de licence à hauteur d'un milliard de centimes de l'époque (vous avez bien lu !) que lui offraient les frères Warner temporairement propriétaires d'Atari.

Inutile de dire que j'ai fini par me fâcher : si vous ne comprenez pas pourquoi, calculez donc le montant d'une commission honnête sur le marché en question.


Que se serait-il passé si les ordinateurs individuels avaient été, dès le début des années 80, dotés d'un système d'exploitation capable d'interpréter des requêtes en langage naturel, en lieu et place des bonnes vieilles commandes DOS qui nous ont tous tant ravies ? Bien mieux que Google Desktop, vingt ans en avance !

Aparté :
Reggiani a très joliment écrit :
"C'est drôle, les cons : ça repose ! C'est comme le feuillage au milieu des roses."

Mais je reste néanmoins d'accord avec JPL : "quand on est con, il y a de très forte probabilités qu'on le reste". Je rajouterais même que c'est probablement héréditaire, la plupart du temps. Pour aller un peu plus loin : "Quand on est mort, c'est pour longtemps, quand on est con, c'est pour l'éternité".

Alors, pas question de vous dire de qui il s'agissait ! D'autant que ses fils ont pris la relève.



Je me retrouve donc à la fois heureux possesseur d'un Apple qui coûte le prix d'une bonne voiture d'occasion, sans vraiment savoir quoi en faire, et détenteur d'une copie d'un logiciel d'enseignement, gravée sur des disquettes soi-disant protégées.

Ma rage était telle que je voulais, non pas voler le logiciel pour le vendre, mais absolument comprendre comment il fonctionnait, sur quelles bases il reposait, et, en somme, savoir si je pouvais sauver quelque chose du revers financier que j'avais subi. Une motivation un peu désespérée et certainement ambigüe, je veux bien l'avouer ! Attendez donc la suite !
J'avais déjà fait sauter le compteur crétin qui m'empêchait théoriquement de faire plus de démonstrations que la quantité prévue par l'auteur. Quant au logiciel lui-même, il était écrit en Pascal : il me fallait un dé-Pcodeur ! J'ai cherché dans les journaux, les bibliothèques, le minitel, n'importe où ; j'en ai trouvé un au bout de plusieurs mois.

Le fin mot de cette histoire, c'est que je n'ai jamais désassemblé le logiciel en question alors qu'il était à ma portée : je l'ai purement et simplement jeté aux oubliettes ; mes recherches m'avaient fait pénétrer dans les arcanes de l'Underground Apple, c'était autrement passionnant !

Dix ans plus tard, je réaliserai une petite maquette reproduisant les fonctionalités de base du logiciel d'enseignement en question ; aujourd'hui comme hier, tout le monde se moque bien de l'enseignement assisté par ordinateur, à commencer par les enseignants eux-mêmes.

02.La rencontre avec JPL.
Comment N6 fait-il la connaissance de JPL ?

Parmi les conseils que mon père me répétait :
"Il faut bien cinquante ans pour faire un homme !"
D'accord, mais au début, parce qu'il y a un début, il faut bien naître au monde.


J'ai développé une remarquable capacité à oublier tous les évènements de cette époque, résultat d'un divorce plutôt douloureux, je l'ai déjà dit. Mais je n'ai pas oublié ma rencontre avec JPL.

Comment les pirates et apprentis pirates se rencontraient-ils ? Dans les clubs informatiques, dans les salons professionnels, grâce au Minitel, à la FNAC et dans les boutiques informatiques. L'une de ces petites officines, où l'on pouvait surtout trouver des disquettes pas chères, s'appelait "Dynamic Computer" (ou quelque chose comme ça) ; son gérant, qu'on appelait "le chinois", était un aventurier du business : il sortait tout juste d'un obscur négoce de montres qui avait fait faillite. Il était flanqué d'un acolyte au profil de camionneur avec des moustaches impressionnantes, toujours prêt à raconter les bons coups marketing qui avaient parsemé sa carrière. Le principal atout du "chinois" était sa parfaite connaissance de l'Extrême-Orient et les voyages réguliers qu'il effectuait là-bas tous les 4 ou 6 mois pour en importer du matériel et des logiciels. C'est dans l'arrière-boutique de cette officine que j'ai appris comment régler la vitesse de rotation d'un drive ; c'est dans cette boutique que j'ai vu les premières copies d'Apple ][, les cartes d'extension magiques, les jeux intraduisibles, sans oublier les claviers foireux dont les touches étaient collées à la glue, façon "ça a le goût de l'Apple, ça a la couleur de l'Apple, mais ça n'est pas de l'Apple !".



Il devait être vers les 19 heures, la fin d'une journée pluvieuse sur Paris ; une silhouette, plutôt trapue, était penchée sur l'une des machines exposée, ventre à l'air : probablement pour essayer une carte d'extension quelconque. C'était l'époque où il suffisait d'arracher le couvercle de l'Apple pour créer un attroupement autour de soi : la vision des entrailles électroniques de ces machines avait pratiquement le même effet que l'ouverture du capot d'une Formule1 sur le circuit du Castelet.

- C'est chouette, tous ces composants ! J'aimerais bien y comprendre quelque chose !

- Bas ! c'est pas si compliqué !

- J'aimerais bien savoir comment c'est écrit ... j'ai regardé ... le Basic, l'assembleur ... mais il y a beaucoup de programmes où on peut pas aller voir dedans !

La silhouette se redresse, un sourire en coin, une figure joviale et accueillante : pas du tout bégueule, et plein de gentillesse, JPL jette :

- Bof ! Il faut créer une NMI !

- Une NMI (plus tard, j'ai su qu'il s'agissait d'une 'Non Masquable Interruption') ? Comment on fait ?

- Tu raccordes la gneugneutième patte du processeur à la masse ... attends ... à travers un petit interrupteur poussoir, tu sais ? Parce, sans ça, t'es mal !
C'est tout bête, pas besoin de soudure ... surtout pas !

Ca, ça me plaisait : l'absence de soudure ! Moi, à qui il faut à peu près 8 heures de travail acharné pour souder les contacts d'une prise Peritel ! Sitôt rentré à la maison, j'ai percé un trou dans la caisse de l'Apple ][, installé un petit bouton poussoir à tête rouge (détail important), raccordé le tout au processeur et tenté ma première NMI, le coeur tremblant de créer un court-circuit ravageur. Bien sûr, ça a marché. J'étais sur les bonnes rails.



Quelle gentillesse ! et quelle simplicité ! Pas du tout le genre "J'en sais de toutes façons plus que toi !" ou "Si tu crois que t'es le meilleur, tu rêves !". Non ! Toujours prêt à donner les premiers conseils.

Une amitié exceptionnelle était née.
C'est lui qui a fait mon apprentissage : il s'en défendra, prétextera que j'étais bon élève. Il n'empêche, ça va plus vite quand on a un bon mentor ! Très vite, par la suite, quand on peut voler de ses propres ailes, on peut se mettre à partager : j'espère lui avoir rendu son coup de pouce initial.



JPL est resté beau gosse : vingt ans plus tard, il n'a même pas pris une ride ! Il a un peu la gueule de Bruno Cremer jeune, sans la pipe bien sûr, avec le même regard libertaire sur le monde, et forcément beaucoup moins d'illusions.

03.Calypso et Backster.
La femme de N6 :

Il faut bien en parler (un peu !) :
pour n'en plus rien dire ensuite.


N6 était marié à Calypso : à coup sûr une de ces erreurs nécessaires qui font grandir. Il est vrai que cette erreur-là était assez grosse (comprenne qui pourra !).

Calypso avait tous les attributs du côté obscur de la Force : la couleur de ses vêtements, la séduction, la puissance de conviction et, probablement, fort peu de scrupules.

Ce n'était pas une meneuse d'hommes ; je dirais plutôt : une croqueuse d'hommes. Son truc ? Les réseaux. Pas IP ou TCP ou ...., non ! mais le réseau téléphonique, les réseaux minitel, et, aujourd'hui, un certain type de sites Internet. Comprenne qui voudra ! Son ambition : séduire, créer une petite cour d'admirateurs autour d'elle et accéder à la notoriété.  Alors, oui ! Elle a dû faire tourner la tête à plus d'un de ces jeunes pirates encore adolescents, ou à peine adulescents comme on dit aujourd'hui.



Le mariage avec N6 ? Une association de l'eau et du feu (celui qui a parlé d'argent, qu'il se taise !).
D'un côté, une soif de notoriété et de bruits, associée à une bonne capacité d'organisation ; de l'autre, un ingénieur qui cherche, un curieux qui se passionne, peut-être un faux monnayeur ou un faussaire (mais sans monnaie), parfois un artiste, en tout cas, un "connoisseur" comme disent nos amis anglais.

Elle, elle avait le chic pour collectionner les contacts : jeunes ou vieux, hommes ou femmes (tiens ! il n'y en avait pratiquement aucune !), joueurs ou programmeurs, étudiants ou professionnels, etc.. Surtout sur Minitel ! Sa monnaie d'échange ? la collection la plus complète possible de logiciels copiables : il n'était pas rare de faire des copies à 1 contre 10 et je me souviens vaguement des tiroirs du bureau où entre deux et trois milles disquettes étaient rangées en ordre de bataille.

Lui, c'était son atout maître : une disquette réticente ? N'importe ! N6 va la copier, lui ! Si on ne peut pas, il va la craquer ! S'il n'a pas le temps, on va le demander aux autres, aux vrais pirates qui gravitent dans ce petit système stellaire centré autour de ... la planète 'noire'.



En d'autres termes, au devant de la scène : un théâtre avec son public ; dans les coulisses : au moins plusieurs machiniste. On parlerait savamment aujourd'hui d'un Back-Office et d'un Front-Office. La bonne question, c'est de savoir qui du camelot ou de l'artisan avait le plus de consistance, de matière grise, en un mot : de poids. La réponse m'importe peu : chacun avait ses objectifs ; il apparaîtra qu'ils étaient finalement contradictoires.

Pour la petite histoire, et à l'usage de ceux qui se souviennent de cette soirée, c'est le samedi soir où Calypso organisa son premier grand évènement Apple dans un restaurant des Champs Elysées, en réunissant peut-être une quarantaine de fans, que j'ai fait une colique néphrétique et que je me suis retrouvé aux Urgences. Mon corps tirait le signal d'alarme : c'en était trop ! Quelques mois plus tard, j'entrai en Résistance !



Davantage interessée par les contacts, Calypso finira par trouver sa tasse de thé : Backster !

Là, pour le coup, je n'y suis pour rien du tout. Je me souviens simplement de quelques factures France Télécom bien poivrées. Et de quelques bricoleurs d'octets probablement tout autant intéressés par la confection d'un service minitel que par celle-là même qui en avait inspiré, sinon rédigé, les grandes fonctionnalités.
Le Minitel existait depuis déjà longtemps et l'Internet ne pointait pas encore le bout de son nez. JPL développe un serveur Minitel (en fait : un moniteur, une sorte de méta-moteur permettant de créer toutes sortes de pages et de services Minitel - sans s'en douter, le bougre avait inventé un langage balisé de type HTML, dans son coin et en même temps que d'autres.). Un industriel y voit l'opportunité de vendre des commutateurs spécialisés. Deux ou trois soi-disant copains y perçoivent la chance de faire de l'argent. Calypso y a vu l'occasion d'être la reine d'un jour : elle se transforme en webmaster avant l'heure, s'acoquine avec je ne sais lequel de ses amis ou relations et crée "Backster" le serveur Minitel qui ré-invente le forum avant l'heure.

Roulez petits bolides !
Faillite, caisse vidée, détournements, ... j'en passe et des meilleures. L'histoire ne m'appartient pas : je ne saurais en dire plus ! Qu'il est difficile de trouver des gens à qui faire confiance !
Tirez le rideau !

04.Copie et Copie-rate !
La débâcle (enfin un sujet qui prête à rire) !

Où l'on va enfin parler des flibustiers,
de ceux qui n'ont rien fait d'autre que de se moquer d'aventuriers trop gloutons.


Que pouvaient bien faire des pirates en ces temps-là ? Sinon pirater des logiciels.

Je suis très triste pour ceux qui vont lire ces lignes et qui ont cru devenir les maîtres de l'industrie du logiciel en inventant des protections contre la recopie de leurs oeuvres : je n'ai pas fini d'en rigoler ! Mais avec des nuances qui ont leur importance.



Un rire mélancolique d'abord : adieu les belles protections d'antan ! L'informatique poursuit inexorablement son oeuvre de miniaturisation et d'intégration ; on n'a plus accès aux contrôleurs divers qui permettaient tant de dispositions plus tordues les unes que les autres ! Non ! Place au chiffrement professionnel, presque militaire ! On ne s'amuse plus. Rentrez dans le rang ! Nous y reviendrons.

A ce propos, si le dispositif "genuine advantage" de Microsoft (rien que le nom me fait bien rigoler !) résiste bien à tout craquage, est-ce parce que les programmeurs géniaux de cette entreprise ont enfin trouvé la parade ultime, ou est-ce parce que ça n'intéresse plus grand'monde, pour ne pas dire personne ? A leur place, je me méfierais d'une réponse trop rapide.



Un rire attendri : pour la société qui a cru avoir convenablement "plombé" son logiciel de jeu avec le M-code. Je vous demande de me croire : je suis sincèrement désolé d'avoir déplombé ce logiciel en ne changeant qu'un seul octet. Tout d'abord, parce c'est extrêmement frustrant (et oui ! paradoxal, non ?) de passer tant de temps pour n'intervenir finalement que sur une seule brique : imaginez une démonstration de mathématiques impeccable et sans faille (presque !), en un mot : brillante ! avec une simple erreur d'orthographe en page 325 ! Laquelle faute d'orthographe - à ce stade, on n'ose pas parler de coquille - remet en cause toute l'architecture si patiemment élaborée.
Ensuite, parce que je songe à l'auteur : il y avait mis tout son coeur, le pôvre ! Il avait vendu sa solution à son patron ! On lui avait même offert une bonne rétribution. Patatras !



Un rire féroce : pour tous ceux qui se croyaient au-dessus des lois (je veux parler des lois naturelles !). Ils s'imaginaient invincibles, crime d'orgueil ! Ils allaient jusqu'à laisser au beau milieu de leur code quelque message vengeur signant leur prétendue supériorité, sachant bien qu'il ne serait jamais lu. Patatras !



Un rire moqueur : pour les jeunes idiots qui déprotégeait l'improtégé, qui montait à l'assaut de la frégate à quai et aux cales vides en pensant s'attribuer un butin original et pouvoir hisser leur pavillon à tête de mort en haut du mât ! Patatras !



Un rire agacé : pour les futés qui pensait qu'on les croirait capables d'être de grands pirates rien qu'en changeant un nom ou un pseudo dans un écran d'accueil. C'était tout-à-fait agaçant ! Irritant même !
Ici, le lecteur se dira : "Touché ! Eux aussi, ils voulaient leurs noms en haut de l'affiche."
On a beau être pirate ou flibustier, on n'en est pas moins homme et, parfois, fier de son travail. Patatras !




Qu'ils me pardonnent tous ! Je ne veux offenser personne - sauf les cons, du moins ceux qui ne nous reposent pas !

05.Pirates, Corsaires ou Hackers ?
Où l'on comprend que tout n'est pas commerce .

Où l'on ne cherche pas à justifier la piraterie,
mais où l'on souhaite mettre un peu d'ordre.


On nous qualifie de 'pirates'. Le sommes-nous vraiment ? Il faut se référer un instant au dictionnaire.


On peut y lire qu'un pirate, à l'emblème de la tête de mort, est un aventurier des mers qui pille les navires et dont Bossuet dit qu'il faut en purger les mers. Bigre !

On peut y lire qu'un pirate de l'air, s'empare odieusement d'otages sans défense.  re-Bigre !

On peut y lire également qu'un pirate informatique, sans emblème, lui, est un individu sans scrupule qui s'introduit dans un système informatique pour en tirer profit. (re)re-Bigre !

On y apprend enfin que les synonymes de pirate sont : boucanier, corsaire, écumeur, flibustier et forban. Bigre ! Bigre ! et Bigre !

Seul quelques dictionnaires, plus indulgents sans doute, tentent une distinction entre les "Frères de la Côte" et Surcouf.



Je ne me reconnais pas, je ne vous reconnais plus dans tous ces sens aux connotations si négatives. C'est peut-être parce que le français, plus puritain pour une fois, n'a pas su inventer de mot convenable pour une réalité en apparence trop moderne. Tournons-nous vers l'étranger, vers les anglo-saxons, plus fins que nous (tout peut arriver !), et qui font une distinction d'importance entre 'Hacker' et 'Cracker'.



On découvre alors que si un cracker a des intentions criminelles, un hacker n'a pas l'intention de nuire. Ouf ! Deux consonnes qui font toute la différence là où la société gauloise n'a pas su inventer de nouveaux mots : elle parle de pirates au sens de 'crackers' (comme à l'apéritif, d'ailleurs), de fouineurs au sens de 'hackers'. (Rajoutant une nouvelle consonne au mot qui croit nous cerner, nous pourrions presque parler de ... Shackers.)



Enfin, je nous retrouve : nous avons été, nous sommes des fouines, au museau allongé, au corps habile à se faufiler partout, cousine de l'hermine royale et parente éloignée de la salamandre de la Renaissance. C'est beaucoup plus sympathique ! Nous voici aux côtés de François 1er et de Leonard de Vinci, mazette !



Si donc, il s'agit de se faire entendre, d'être des agitateurs de culture, alors, oui, nous sommes encore, après l'avoir été un temps, de vrais pirates. Merci de me l'avoir rappelé !



N.B. en forme de sourire.
La définition du "pirate informatique" est instructive car elle a un double sens : si l'on veut bien admettre je suis réellement propriétaire de mon ordinateur personnel, faisons alors la liste exhaustive de ceux qui s'introduisent dans mon système informatique pour en tirer profit ; on pourrait bien y trouver le nom de Microsoft ou d'Apple, de Google ou de FaceBook. C'est la définition du dictionnaire qui doit être mauvaise, bien sûr !

06.Des Pirates, oui ! Mais romantiques !
Un 'pirate romantique', qu'est-ce que c'est ?

"Ne dites pas à ma mère que je suis 'Hacker',
elle me croit pianiste de blues dans un bar". .


L'écrasante majorité des pirates n'étaient, ne sont encore aujourd'hui, que de simples utilisateurs de spectaculaires machines, qui n'ont pas les moyens de s'offrir tous les jeux, logiciels ou films dont ils rêvent : dont ils ne rêvent d'ailleurs que temporairement, juste pour voir. En plus, c'est comme un club : on fréquente d'autres mondes ! Et puis, un petit frisson, ça ne fait pas de mal, ça fait rêver ... ça fait voyager loin, dans des eaux sinon troubles, du moins aventureuses. Moi, je trouve ça plus délicieux que répréhensible. En plus, si ça peut créer du lien social ... ça devrait être subventionné par la Sécurité Sociale.

Beaucoup moins nombreux, il y avait les programmeurs : les jeunes qui voulaient devenir professionnels plus vite et qui étaient prêts à laisser tomber leurs études (j'ai toujours trouvé ça effrayant et tenté, vainement bien sûr, d'en dissuader quelques-uns), les ingénieurs qui s'ennuyaient à leur travail.

Moins rares qu'on ne le croit, il y avait ceux qui cherchaient à tirer profit, à petite échelle (on pardonnera ceux à qui il manquait 10 francs d'argent de poche) ou à plus grande échelle, comme ils l'auraient fait de n'importe quel traffic. Y-a-t-il une vraie criminalité ? Probablement ! Peut-être pas aussi importante qu'on est prêt à le croire. Porte-t-elle sur l'informatique elle-même et les logiciels ou sur l'utilisation de l'informatique ? Est-elle condamnable ? Oui, oui et oui, c'est clair.

J'allais oublier : il y a les corsaires ! Ceux qui font exactement le même travail que les pirates, en moins bien évidemment, mais au nom d'une entreprise : je décompile, je désassemble, je détriture, je 'pirate' en somme, mais c'est pour la bonne cause de la guerre économique, pour surveiller la concurrence et voir si elle ne nous aurait pas honteusement piraté nos propres routines, pour éviter que cette même concurrence, surtout celle des pays sans foi ni loi, ne nous déborde trop vite, pour ... sauver nos emplois ! Hypocrisie suprême ! Nous y reviendrons : on mélange tout, on amalgame.



JPL et quelques autres n'étaient pas de ces races-là. C'étaient des romantiques ; ils le sont encore.

Alors, pourquoi sont-ils devenus pirates ?
La première réponse est simple, presque trop simple : c'est le plaisir.
Pas le plaisir que peut éprouver le voleur à la tire après avoir chouré le portefeuille du badaud qui n'y a vu que du feu ! Pas celui de l'habile faussaire satisfait d'avoir fourgué la copie d'une oeuvre célèbre à un collectionneur imbécile ! Pas celui de l'homme politique élu après une campagne remplie de promesses qu'il ne tiendra pas !

En un mot : pas le plaisir de celui qui trompe autrui.
Mais le plaisir de chercher, celui de découvrir, puis celui de partager !

JPL l'a dit dans son interview : ce n'est pas le Graal qui importe le plus, c'est la Quête.
On est certain de ne jamais trouver le Graal, mais on poursuit sa recherche, vingt siècle plus tard.

Je rajouterais que ce n'est pas la cible atteinte qui intéresse, mais la traque : les vrais chasseurs comprennent.
Que ce n'est pas l'objectif qui motive, mais la démarche suivie : les ingénieurs (!) commerciaux ne peuvent pas comprendre ; qu'ils passent leur chemin !




Qu'on nous autorise un petit écart, avant de redescendre sur terre ! Montherlant a écrit une formule célèbre qui donne plus de sens à ce qui précède : "Tout ce qui est atteint est détruit".

Pour nous, pour moi, toute angoisse n'est qu'existentielle : avoir la réponse est secondaire. Posez donc la question à Sisyphe ! Ce qui est important, c'est d'avancer debout ; le reste, s'il survient, n'est qu'accessoire. En résumé, le plus important, c'est la vie, le mouvement, la recherche. La question prime sur la réponse, la démonstration sur la conclusion. Si l'on n'en est pas convaincu, il suffit de se dire que toute conclusion amènera inéluctablement de nouvelles questions. C'est en partie ce qui définit le petit morceau d'humanité que nous sommes.




En français plus simple, et pour redescendre sur terre, il est, dans le piratage romantique, un double plaisir intellectuel : démonter le mécanisme d'une montre, et savoir le remonter avant d'en faire cadeau, disposer d'un train électrique sans se satisfaire des circuits proposés, utiliser son mecano pour créer de nouvelles maquettes, ...

Dire que l'on aurait voulu nous priver de ce bonheur ! Penser que, pour notre bien (mon oeil !), l'industrie informatique est en passe d'y réussir ! Peut-être pas : nous avons soulevé le couvercle de la boîte de Pandore ; puisse-t-elle rester entre'ouverte !

07.Crack et Copyright.
Ca craque de tous les côtés !

Les logiciels sont comme les Rolls Royce :
vous n'avez pas le droit d'ouvrir le capot ! .


Une boîte de vitesse automobile, c'est simple : quand vous montez un engrenage à l'envers, ça se voit tout de suite. Une fusée Saturn V, c'est pas trop compliquée ; et pourtant, on serait bien en peine aujourd'hui d'en fabriquer de nouvelles. Un automate joueur d'échec du 19ème, c'est sophistiqué mais abordable ; et pourtant, le secret des cames mécaniques s'est estompé depuis déjà longtemps. Alors, un ordinateur, mélange moderne de matériels, visibles ou invisibles, de logiciels immatériels qui ne sont que l'expression de règles, de protocoles, d'algorithmes, et de contenus, c'est-à-dire de pures créations de l'esprit restituées l'espace d'un instant à quelqu'un ou à quelques uns, alors un ordinateur, c'est toute une humanité condensée dans un peu de silicium.

Note pour JPL : pardonnes-moi de te paraphraser ici ; tu a écrit avec juste raison : "L'Apple ][, c'est toute l'informatique dans une petite boîte", je n'ai pas pu m'empêcher de surenchérir.



Lorsque vous achetez une cafetière, un poste de télévision, un vélo ou une machine à laver, vous avez le droit de démonter l'objet en question : les risques que vous encourrez sont minimes :

- celui de perdre la garantie du constructeur,

- celui de ne pas y arriver parce que vous ne disposez pas du tournevis adapté à la fameuse petite vis fabriquée maison, précisément conçue pour vous empêcher d'arriver à vos fins,

- celui de vous électrocuter un peu parce que vous n'êtes pas très bricoleur, et un peu inconscient,

- celui de ne pas savoir remonter l'objet en bon état de marche.

Quelles que soient les mesures de protection adoptées par le constructeur, s'il ne vous encourage pas, il ne peut pas vous l'interdire. Heureusement d'ailleurs, parce que si la majorité d'entre nous, sacrifiant au Dieu des consommateurs, préfèrent racheter un nouvel appareil lorsque l'ancien semble en panne, une minorité sait encore comment changer un fusible, détartrer une cafetière, recoller un morceau de plastique, etc... Et je ne parle pas des voitures, dont plus d'une ne doit de survivre qu'à l'acharnement de leur propriétaire bricoleur.

On raconte que Rolls Royce garantissait autrefois toute réparation de ses voitures dans le monde entier : ses moteurs étaient plombés pour interdire toute intervention étrangère : plus exactement pour protéger le constructeur. Bien sûr, quand on est l'heureux propriétaire d'une Rolls Royce, on n'est pas trop attentif à ce genre de détail.

Par ailleurs, les industriels eux-mêmes ne se privent pas de désosser les produits des concurrents : les premières voitures sorties de toute chaîne de fabrication sont achetées par les autres constructeurs, ne serait-ce que pour assurer la police de leurs propres brevets. Qu'on ne soit pas naïf : quand Rank Xerox livre une nouvelle imprimante rapide à une entreprise de reproduction, Jouve par exemple, il est évident que celle-ci est entièrement désossée, passée au scanner, examinée à la loupe ; le plus honnête des objectifs du client est d'apprendre à tirer un maximum de profits de l'outil, quite à "... l'améliorer ... " un peu.

08.Le Prix de la qualité.
La dématérialisation ?

Où l'on voudrait nous faire croire que tout est logiciel.


L'industrie du logiciel déclame sa nécessité au travers de la dématérialisation ; à les en croire, il n'y aurait bientôt plus rien de matériel, jusque et y compris l'homme.

C'est oublier que la dématérialisation a ses limites.
Ce sont les échanges qui se dématérialisent, pas les machines qui les rendent possibles : elles ne font que se miniaturiser ou se dissimuler dans d'autres machines ou d'autres infrastrucutures.

C'est oublier que GTA IV (Grand Theft Auto) n'est pas un logiciel : ce n'est qu'un jeu, c'est-à-dire un conteneur matériel de règles, d'images animées ou non, de textes et de sons dont la restitution s'opère par des logiciels aux fonctions relativement standard sur des matériels qu'ils animent.



La révolution que nous vivons n'est pas dématérialisation, ni conquête du temps, d'ailleurs, à travers l'illusion de l'instantanéité ; elle est machinisation, suite logique de la mécanisation : nous entrons dans une époque où tout est, et sera de plus en plus, petite machine, grande machine ou gigantesque machine.

Les logiciels ne sont que les invisibles rouages de ces machines bientôt moléculaires. Accepter de ne plus être maître de ces rouages, en abandonner la conception à une poignée d'ingénieurs, fussent-ils éclairés, c'est accepter d'être soi-même un peu machine. Les logiciels survivront-ils, d'ailleurs, à leurs auteurs ? Rendez-vous dans 25 ans : je ne suis pas du tout sûr que Microsoft soit encore numéro 1 du logiciel dans le monde. Adieu, Bill !

Bien sûr, pour faire un café, j'ai concédé à Moulinex le droit (que je paye) de fabriquer ma cafetière, bien qu'aucune ne corresponde vraiment à mon goût. Bien sûr, j'ai concédé à Renault mon droit de concevoir ma voiture, bien qu'aucune ne corresponde vraiment à mes envies. Mais, ici au moins, une large concurrence, parfois fictive, existe : ce n'est pas le cas de l'industrie du logiciel.



Enfin, faire mon café du matin, aider à mes déplacements, c'est une chose ; vouloir ordonner ma mémoire, m'expliquer comment je dois jouer ou organiser mes idées et jouir d'un spectacle, c'en est une autre. Si ma machine à laver recèle un peu d'intelligence - un peu ! -, mon cerveau, mon coeur et mon corps en détiennent autrement plus ! Les machines logiciellement intelligentes, c'est-à-dire leurs fabricants, ne veulent pas seulement s'occuper de la mouture de mon café, ils veulent également régler mes pensées et mes sentiments : les logiciels se veulent instruments de ma culture. D'accord ! Mais seulement si j'ai le choix, c'est-à-dire si je peut fixer moi-même le prix de mon abandon, de ma démission.



Je veux payer les machines pour ce qu'elles valent et le service qu'elles me rendent, non pour le plaisir qu'elles sont censées me procurer. Je veux payer - une fois - les auteurs et les créateurs pour le plaisir qu'ils me donnent - plusieurs fois -. Je ne veux pas que les contenus, les objets de culture, restent indéfiniment prisonniers des industries de la distribution : est-ce que l'industrie automobile me fait payer ma voiture au kilomètre parcouru et selon la beauté des pays traversés ? Je veux payer les oeuvres sur la base de leur qualité, non sur celle des canaux de diffusion qu'elles empruntent.

Que les logiciels des machines réintègrent leur cercueil de silicium ! Que leur prix s'alignent sur le coût des quelques atomes qui les enserrent.



Qu'on me donne les moyens d'éditer ma musique, de créer mes films, de publier mes textes, de jouer comme je l'entend, ça ne fera pas de moi un Bach, un Coppola, un Chateaubriand. Me fournir de tels outils n'empêchera pas non plus les futurs Mozart ou Pagnol d'apparaître au monde, bien au contraire.

09.Obscénité logicielle.
La fin des pirates ?

Où l'industrie du logiciel veut dicter sa loi aux fondeurs de silicium.

Où la recherche de la connaissance peut conduire en prison.


Côté logiciels, donc, je me plais à penser de temps à autres que nous flottons en pleine obscénité !
D'abord, vous n'êtes pas propriétaire, vous ne disposez que d'un droit d'usage : subtile adaptation du binôme nue-propriété/usufruit. Là où ça devient ubuesque, c'est que vous n'avez pratiquement aucune garantie de bon fonctionnement. Pire : il est totalement illégal de lire le code, le 'reverse-engeneering' est interdit : nous devrions tous être en prison.

Par ailleurs, les logiciels sont devenus brevetables ! Une ineptie !
En accordant des brevets industriels sur les idées, à un point tel que le domaine public se voit restreint comme une peau de chagrin, tout créateur potentiel se découragera d'inventer, n'ayant plus à sa libre disposition suffisamment de briques élémentaires du savoir ; un système de propriété intellectuel doit protéger le domaine public en empêchant qu'il soit transformé en une lande stérile allotie de minuscules propriétés privées cloturées de murs de pierres aussi hauts que vains [d'après James Boyle - New York Times, 31 mars 1996].



Comment réagit l'industrie du hardware, de la quincaillerie ?

D'abord, elle poursuit sans relâche son travail de miniaturisation  !
Ca devient vraiment difficile d'explorer certains composants électroniques, a fortiori de les copier : c'est 'Mission Impossible' ; certains ont même la fâcheuse tendance à s'auto-détruire dès qu'ils aperçoivent la lorgnette d'un microscope.

Ensuite, elle avait promis d'intégrer les routines de base, genre gestion du fenêtrage mais elle semble hésiter encore. Alors elle accepte de passer un accord avec l'industrie du logiciel pour lier le fonctionnement des 'bons' programmes aux 'bons' composants.

La voilà l'arme ultime ! La mort de ces satanés pirates ! la fin  des copieurs ! Enfin ! On va déporter les verrous dans les composants électroniques. Comme il est difficile d'installer un photolythograveur dans son salon, on va enfouir dans l'infiniment petit les chaînes et menottes pour assujétir le marché et le contraindre à payer son écot.

Littéralement obnubilé par la copie illégale, Microsoft s'est présenté face à l'industrie des médias comme le recours ultime ; Vista est la première expression de cette tentative de sauvetage d'une industrie en dérive. La solution proposée : maîtriser toute la chaîne de restitution de l'information, du réseau jusqu'au baladeur. Et l'industrie du spectacle s'est engouffré vers cette promesse d'un nouvel Eldorado ; à leur place de corbeau, je me méfierai du renard qui ne fait que guetter sa proie !



Messieurs les successeurs de l'heureux et plus intelligent Bill, vous allez vous heurter à un problème délicat : à moins de nous implanter dans le cerveau des dispositifs bioniques façon George Orwell, vous ne maîtriserez jamais la dernière interface.

Copier en classe, c'est très vilain ! Mais c'est tout aussi infantile de le dire que de le faire : la solution, ce n'est pas la punition, mais l'éducation.

Je ne crois plus à l'industrie du logiciel, je crois aux contenus.

10.Copie et Copyright.
Et l'industrie des contenus dans tout ce fatras ?

Ah ! la Culture et le Savoir, avec deux grandes majuscules !
Où l'on apprend que ces deux mamelles de toute civilisation moderne
ne sont plus que tributaires des circuits de diffusion et de distribution.


Les apôtres sont toujours les auteurs des Evangiles, Rabelais de son Pantagruel ...., Ronsard de ses poèmes, Racine et Corneille de leurs tragédies, Chateaubriand de ses Mémoires d'outre-tombe, etc ... Brassens, les Bee Gees et ... resteront à jamais les auteurs de leurs chansons. Marcel Carné, John Wayne, Madison et Luc Besson resteront les merveilleux auteurs de leurs films. Un jour peut-être parlera-t-on d'auteurs de jeux ? Les deux questions qui se posent ici sont celle de l'accès à ces oeuvres et de la rémunération de leurs auteurs.



On entend dire : "la gratuité, c'est le vol !". On oublie de préciser que la gratuité est partout et qu'il y a toujours quelqu'un pour la financer, même si on ne sait pas qui.
Par ailleurs, est-il bon de 'marchandiser' outrageusement l'accès à la culture au risque de ne la rendre accessible qu'aux nantis ? Faudrait-il d'ailleurs qu'elle soit accessible tout court !



La littérature, l'écrit.
De la matière grise pure inscrite sur un média minéral ou végétal. Un Droit d'auteur qui garantit la paternité pour l'éternité et des revenus de reproduction protégés pour quelques dizaines d'années.
Elle n'est accessible librement qu'au terme d'un délai de plus de soixante-dix ans. Soit ! Au-delà, plus de problème de rémunération de l'auteur ou de ses descendants : ne subsistent que des problème de rémunération de la reproduction et de la distribution. Avant 70 ans, il faut payer l'écrivain.

Ceci dit, a-t-on facilement accès aux oeuvres de nos ancêtres : bien sûr que non et il faut saluer l'initiative merveilleuse du Projet Gutemberg pour trouver un peu d'espoir. Nos collégiens ont-ils seulement accès à autre chose que l'inénarrable dictionnaire papier offert une seule fois à l'entrée en sixième ? Avez-vous seulement cherché sur la Toile un dictionnaire éthymologique français gratuit ? Ha, oui ! Heureusement qu'il y a le Littré !



La Musique.
De la matière grise vivante qui ne peut être produite que par des artistes : les médias qui lui servent de support n'en reproduisent que des instantanés. Un Droit d'auteur qui promet la paternité pour l'éternité, un système de rémunération très original, au moins en France, et des revenus tirés de la reproduction pour quelques dizaines d'années. La France a en effet inventé un système de rémunération des artistes particulièrement original : on mesure a posteriori la diffusion des oeuvres et on répartit une bourse financière entre chaque auteur au prorata de la diffusion. Le système est-il efficace pour autant ? On a l'impression que l'agressivité d'une certaine forme de compétition a balayé la simple émulation au profit de quelques artistes et, bien sûr, au détriment du plus grand nombre.

Côté distribution, on est passé du média papier (les partitions vendues par les chanteurs de rue) aux disques en cire, puis aux cassettes audio, aux CDs, etc. Chacun de ces médias a réussi à pratiquement remplacer celui qui le précède et à le faire disparaître ; bientôt, il n'y aura plus de media physique ou presque : les supports mémoire cohabiteront avec d'immenses stockages réseau accessibles en ligne.

Pourquoi l'industrie de la musique crie-t-elle avec des bruits d'orfrai : on croirait entendre Harpagon crier au vol de sa cassette ? Parce que, justement, il n'est question que de cassette, ... de cassettes remplies d'argent bien sûr. D'un côté, elle s'est habitué à l'inégalité de traitement entre les artistes : l'objectif du capitaliste n'est pas l'égalité, la juste répartition du profit, ou la régulation de la création. Non ! Son objectif, c'est toujours plus. Si on pouvait se passer des artistes, ce serait pas si mal ; n'est-ce pas d'ailleurs ce qui se produit quand on voit les stars modernes standardisées, normatives et asexuées ?
J'avoue tout de suite : j'ai téléchargé des morceaux de musique sur Internet.
J'ajoute immédiatement, mais pas pour me disculper : plus de 80% de ma 'médiathèque' pirate représente des titres qui ne sont plus aujourd'hui disponibles dans les bacs des disquaires (ou plutôt de ceux qui les ont remplacés).




Disons-le tout de suite avec un maximum d'hypocrisie : il est mal de copier une oeuvre !
Mais rajoutons que le téléchargement ne nuit pas à l'industrie de l'édition musicale, mais à une certaine conception qu'elle se fait de son métier. Dès qu'elle produira les objets culturels que le consommateur désire au prix où il est prêt à les acheter, alors il les achètera, même s'ils sont téléchargeables gratuitement. L'eau potable est presque gratuite (presque ! elle n'a que l'apparence de la gratuité.), pourtant beaucoup d'entre nous achètent de l'eau minérale en bouteille, parce qu'elle a ou est réputée avoir meilleur goût. Nous pouvons facilement prendre notre café au bureau, mais beaucoup préfère aller au café du coin parce que l'expresso qu'il sert est meilleur, parfois plus convivial.

Les sociétés de l'édition musicale doivent nous donner de bonnes raisons d'acheter leurs produits : la musique sera librement téléchargeable, mais la musique payante semblera et sera "meilleure".

Si l'industrie de la création persiste à vouloir trouver son salut dans l'industrie logicielle, tout comme elle avait amassé ses profits en ne valorisant que les blockbusters ou quelques têtes d'affiche, et bien ... qu'elle meure avec elle !

11.Copie et Copyright (suite).
Et si on parlait aussi des droits du public ?

Sans oublier ceux des auteurs ou des ayant-droits comme on dit.

Le marché ne cesse de chercher son point d'équilibre ;
il va lui falloir au moins encore 20 ans pour le trouver.


Les films.
Si vous habitez en Province, comme moi, et si vous montez de temps en temps à la Capitale, pour peu que vous soyez un tantinet attentif aux affiches de films, il ne vous aura pas échappé que nombre de films qui sortent à Paris ne seront jamais diffusés dans votre région.
Si, rempli d'audace, vous avez osé vous aventurer dans un multiplex parisien, vous n'avez pu qu'être surpris en constatant, là aussi, la grande vogue des produits dérivées : je parle du pop-corn, bien sûr ! Les salles de cinéma font en grande partie leur marge sur la vente de cette alimentation minute. Si elles pouvaient s'épargner la projection des films, ... A ce propos, vous n'en avez pas assez des produits dérivés ? Ils sont à la culture ce que les dégâts collatéraux sont à un guerre de pacification : inévitables !

Toujours est-il que, de retour dans votre campagne négligée, assis devant une télévision aussi nulle qu'elle s'est démultipliée, vous vous demandez : que reste-t-il de nos amours ? Qu'est-ce qui va bien pouvoir, pour une fois, éveiller l'attention de mes neurones décadents et éviter que je ne sombre prématurément dans un Alzheimer culturel trop précoce pour pouvoir attirer l'attention du corps médical et être traité à temps ?

Le cinéma a-t-il tué le théâtre ? La télévision a-t-elle tué le cinéma ? Les réseaux vont-ils tuer la télévision ?

En tout cas, chaque étape a vu le mouvement s'accélérer !

Il faut quand même se souvenir que les Studios Disney ont engagé en leur temps une action en justice, interminable comme toujours aux Etats-Unis, contre ... l'industrie du magnétoscope. Il leur a fallu 30 ans pour comprendre, un peu tard, qu'ils pouvaient en tirer autant si ce n'est plus de profits qu'avec leur vieux réseau de distribution.

Ce qui est en train de se passer sous nos yeux aveuglés de gentils consommateurs, c'est un ré-équilibrage mondial des marchés.



On va créer en France une Haute Autorité de lutte contre le piratage (la copie).
Mi-2008, la police française démantèle un dangereux réseau de pirates (encore !) dont les activités rapportaient des sommes astronomiques à leurs commanditaires (sic !), organisées en véritable industrie de production de screeners, DVD-Rip et autres films-HD ! On ne se moquerait pas un peu de nous ? Pour un peu, on pourrait y voir, sinon l'oeil de Moscou, mais l'action des mafias de l'Est - vous savez : les méchants indisciplinés, sans foi ni loi.

Je le répète : c'est très vilain de copier des films sur la Toile ! M'enfin !



Les jeux.
Ici, c'est une partie de l'avenir des médias qui se joue ! Pauvres de nous !
Sa force ? C'est tout bêtement une industrie neuve qui n'a pas eu à s'embarasser de matériels existants, de circuits anciens, d'habitudes profondément ancrées : elle peut se permettre de tout balayer et elle ne se gêne pas.



Il faudrait encore parler de la radio : la numérisation, formidable évolution technologique, ne va-t-elle pas jouer en faveur d'une concentration des radios au détriment de la belle diversité entrevue en 1981. Il faudrait évoquer les journaux : l'apparition des gratuits (seulement sur les grandes métropoles), les mauvais choix technologiques fait par quelques directions mégalomanes (le Monde), etc ... vont-ils nous permettre de sauvegarder l'indépendance du journalisme, pas tant vis-à-vis du pouvoir politique que vis-à-vis du pouvoir économique ?

12.Accusé, levez-vous !
Où l'on comprend mieux qui sont les vrais pirates.

Elle : "Pirate ? Pirate ?
Est-ce que j'ai une gueule de pirate ?"

... Hélas, oui ! lui répondit-il.


Au commencement était la société de consommation.

Vous achetez un magnétoscope, on vous le livre avec deux trois malheureuses cassettes vierges. Les loueurs de cassettes, ou de DVDs aujourd'hui, ont dressé leurs embuscades au coin de la rue et vous attendent sereins : il va bien falloir alimenter votre nouveau joujou culturel.

Papa et Maman achètent un ordinateur ou une console de jeux pour leur gamin ; ils croient acheter un peu de paix et conformer leurs rejetons à une mode ambiante auxquels ils croient qu'ils aspirent. Qu'ils se rassurent ! Les vendeurs de jeux, d'occasion ou neufs, vont organiser le marché, parfois bien noir, mais toujours juteux, de la débrouille. Au pire, le gamin s'arrangera bien pour emprunter les jeux à ses copains !

L'entreprise vous dote généreusement d'un ordinateur portable, mais interdiction de s'écarter des logiciels monumentaux et règlementaires qui vous sont attribués.



Qu'on ne se méprenne pas : les commerçants n'y sont pas pour grand'chose, ils ne sont que l'interface finale d'un système industriel. C'est l'un des rêves du Capitaliste : créer sa rente. Le fainéant !

Prenez les opérateurs de télécommunications : ils sont assis sur une rente de situation formidable. Une fois les investissements consentis pour créer un réseau, ils n'ont plus qu'à s'asseoir et regarder tourner les compteurs : c'est la plus formidable des machines à cash-flow dont on puisse rêver : ce qui transite dans les tuyaux, ce ne sont pas des octets, des bits ou que sais-je, c'est de la monnaie, des ruisseaux d'or et d'argent liquides. Internet, de son côté, ne fait que renforcer la donne en fluidifiant encore le débit.

Considérez les chaînes de télévision : elles sont capables d'offrir à leur public n'importe quel spectacle, pourvu qu'elles trouvent des industriels avides de diffuser leurs messages publicitaires. Elles ne sont en chasse d'audience que dans la mesure où le téléspectateur est, par ailleurs, consommateur de produits de grande consommation. Sauf peut-être pour les informations et les grands évènements collectifs, la plupart du temps sportifs. Internet ne peut que les affaiblir en ce sens qu'il dilue une manne financière qui n'est pas infinie.

Observez l'industrie du logiciel : la nouvelle aristocratie du service, misérable petite noblesse d'Empire qui veut disputer sa place à l'Ancien Monde. Elle ne dispose d'aucune rente économique ; alors, elle en a créé une en forme de chantage : aucune machine ne peut fonctionner sans son concours. Internet leur fait courir un risque inacceptable de standardisation et de banalisation des logiciels ; ne survivront, bien ou mal, que les géants mondiaux qui auront su capter sur leurs serveurs le maximum de données personnelles : ce sera le retour des vieux serveurs centraux d'autrefois.

Quant aux vrais industriels, les fondeurs et les équipementiers, ils fabriquent encore des objets et les vendent en une démarche tout-à-fait classique, à ceci près qu'ils réussissent brillamment à infiltrer toutes les autres industries et tous les objets manufacturés. Internet ne représente pour eux aucune menace, au contraire ; la miniaturisation encore possible et l'explosion des puissances disponibles n'a de conséquence que sur l'augmentation de productivité qu'elle entraîne, avec son cortège de malheurs sociaux.

Lequel de ces modèles économiques va-t-il l'emporter sur les autres ? Quel groupe industriel a-t-il imposer sa loi et sa propre rente ? Il y a quelques années, je ne me serais pas hasardé à un quelconque pronostic ; aujourd'hui, je suis prêt à parier sur l'industrie des télécommunications. Et c'est presque rassurant ! Au moins, c'est un monde connu.

En résumé. Les opérateurs vendent du traffic, n'importe quel traffic. Les télévisions vendent de la publicité, n'importe quelle publicité. Les industriels vendent de la quincaillerie, n'importe quelle quincaillerie. L'informatique vend ... je ne sais quoi au juste. Elle cherchera de plus en plus à vendre de la mémoire et ... "la mémoire, c'est l'identité" ! Relisez donc A.E. Van Vogt ou Korzybsky pour vous en convaincre. Aujourd'hui, en tout cas, elle vend n'importe quel logiciel, pourvu qu'il ait besoin d'être mis à jour - ils ont tous besoin de mises à jour !.



Nous ne sommes, de fait, que simples spectateurs d'une bataille industrielle gargantuesque sur fond de nouvelle révolution technologique, enjeux économiques de la conquête d'un marché de masse par des multinationales qui s'entrechoquent.



On ne devient pas pirate, on l'est naturellement par la force des choses ; et les moralistes, nantis ou imbéciles, ne font que se mettre au service d'une machine addictive : quand on achète une belle voiture puissante et bien équipée, il faut s'attendre à devoir remplir son réservoir d'essence, à payer assurances, taxes, stationnements, octrois et péages divers, etc.. Ca nous semble très naturel.



Que celui qui n'a jamais copié une cassette de film pour son frère me jette la première pierre et je suis certain de survivre à la lapidation, sans une seule égratignure.

13.La chasse aux sorciers(ères).
L'Inquisition (un sujet qui ne prête pas à rire) !

Où l'on va enfin parler des mauvaises intentions dont l'enfer
du pouvoir économique est soigneusement pavé.


J'emprunte une partie des propos qui suivent à deux ou trois articles de presse parus aux Etats-Unis. Je n'ai pas noté le nom de leur auteur : qu'ils me pardonnent de ne pas les citer.


Celui qui oublie que nous vivons une révolution industrielle ne peut que se tromper dans son analyse.
Après la révolution de l'énergie, le charbon et sa machine à vapeur, le pétrole et la révolution des transports, l'électricité et le machinisme, l'atome et la bombe atomique (mais aussi la fusion thermonucléaire), le transistor et l'informatique miniaturisée viennent bouleverser notre quotidien au moins autant que le feront les prochaines découvertes en biologie moléculaire.



Les grandes institutions, l'Eglise Catholique tout comme l'industrie du disque, réagissent toujours de la même façon face à une nouvelle technologie qui menace leur position dominante ; on peut facilement prédire leurs réactions :

1. la détruire,

2. si ça n'est pas possible, la maîtriser,

3. si ça n'est pas possible, contrôler ceux qui les utilisent : les consommateurs.

Le processus n'est pas nouveau : depuis l'Antiquité jusqu'aux tribunaux d'exception, sans oublier l'Inquisition qui a convenablement rationalisé la démarche, les exemples sont nombreux.

Qu'on s'attriste en pensant à Semelweiss qui comprit avant tout le monde qu'en demandant à ses pairs de se laver les mains avant toute intervention auprès des femmes prêtes à accoucher à l'hôpital, il éviterait la mortalité épouvantable qui régnait dans les maternités ! Il fut amplement brocardé par ses collègues.

Qu'on s'amuse un peu en repensant aux propos de Jack Valenti (Motion Picture Association of America chairman) devant le Congrès américain : "Les vidéo-cassettes sont à l'industrie du cinéma ce que l'étrangleur de Boston est à une jeune femme seule dans la nuit.". Les ventes de cassettes, aujourd'hui de DVDs, rapportent plus d'argent à l'industrie du cinéma que la diffusion des oeuvres sur les écrans de salles de cinéma.

Qu'on se scandalise en constatant qu'une bonne partie des lois qui régissent le marché de la Culture datent d'avant-guerre, celle de 39. Bien avant les cassettes, les MP3s et le partage de fichiers via Internet.



On a rangé, semble-t-il, les bûchers et la Question aux oubliettes (voire !) ; on n'a toutefois pas oublié d'en appeler à la vindicte populaire et au lynchage public. C'est désormais avec l'aide du législateur, censé précisément protéger les consommateurs, que les institutions et les religions tentent de préserver leur rente ou leur pouvoir.

Vieilles lois et nouvelles technologies, vieux députés et jeunes révolutionnaires, anciens régimes et jeunes républiques .... mais aussi, nouveaux riches et anciens nobles, lois modernes et savoirs ancestraux, vieilles démocraties et adolescents au pouvoir .... Qui sait, qui peut savoir ?

Ce qui semble certain, c'est qu'il faut de nouvelles lois pour protéger de nouveaux usages. Et non pas de vieux règlements pour censurer de jeunes pratiques.



Et puis, il faudrait pouvoir disposer de temps ! Voilà ce qui nous manque le plus.

Nous avons appris à dominer l'espace, au prix d'un écrasement de nos ressources naturelles, mais nous comprenons à peine que la maîtrise du temps est une autre paire de manches. Qu'on y songe ! Il n'aura pas fallu 50 ans pour qu'une bonne partie de la population des pays avancés disposât de voitures individuelles. Il n'a pas fallu 30 ans pour que la radio ou la télévision irriguent convenablement (!) notre territoire. Il n'a pas fallu 15 ans pour que 75% de la population dispose d'un téléphone mobile. Il faudra moins de 7 ans pour passer de 1 milliard de téléphones mobiles dans le monde à 2 milliards. On pourrait multiplier les exemples.

La conclusion est évidente : tout veut aller plus vite, dans une société hédoniste où la recherche du plaisir immédiat l'emporte sur toute vision à plus long terme : le Consommable l'emporte sur le Patrimoine.

A quel prix ? je devrais dire : au prix de quels sacrifices ? Une réponse au moins : la Diversité !
Il n'y a pas que dans le domaine de l'écologie que les ravages des bienfaits de l'économie de masse font leurs dégâts. Dans le domaine social, les fractures ne font que s'accentuer. Dans le secteur culturel, elle détruit en croyant offrir un sens commun ...




Nous vivons depuis des décennies dans l'espoir, la croyance, ou la certitude que tout avenir sera meilleur : une meilleure instruction, plus de libertés individuelles et une démocratie mieux enracinée, un meilleur confort, de plus grandes richesses, des loisirs et une culture toujours plus développés, un travail plus enrichissant. C'était vrai pour nos grands-parents et nous-mêmes, ce sera vrai pour nous-mêmes et nos petits-enfants. En tout cas, c'est ce que nous racontent nos livres de classe, nos hommes politiques, nos dirigeants d'entreprise et nos prix Nobel.

Pardon, je n'y résiste pas ! "Travailler plus pour gagner plus." alors que la réalité sera probablement plus proche, comme le dit si merveilleusement Philippe Sollers, de : "Travailler plus pour compter moins."

Et bien, tout ceci n'est peut-être plus vrai : de moins en moins vrai pour le plus grand nombre, outrageusement vrai pour un petit nombre.



La Diversité, c'est la Vie, bien sûr, mais c'est aussi l'expression de la Liberté.





Hacker


3) Remarques et notes de Deckard



PRISONNIER... DE QUI OU DE QUOI??


Il faut savoir que la série télévisée "Le Prisonnier" avait fait l'objet d'un jeu vidéo sur Apple II.
Personnellement, je croyais que le pseudo de N6 venait du fait que cétait son 1er crack!!

The Prisoner
The Prisoner
EduWare
EduWare

Une version en mode TEXT:

The Prisoner
The Prisoner
The Prisoner
The Prisoner
The Prisoner
The Prisoner

Et une version 2 en mode HGR mais hélas, que ce soit le 1er ou le 2nd volet, cela semble surtout être un vulgaire jeu de labyrinthe...

The Prisoner 2
The Prisoner 2
The Prisoner 2
The Prisoner 2
The Prisoner 2
The Prisoner 2
The Prisoner 2
The Prisoner 2
The Prisoner 2
The Prisoner 2

Si ce n'était pas d'un labyrinthe, mais de qui donc était prisonnier notre Numéro 6 à nous?

De son ordinateur?

Prison ordinateur

De sa femme? De son rôle de pirate au "service" de son épouse?

Prison Calypso
Pirate catalogue

Ou est-ce comme dans la série elle-même où le dernier épisode du Prisonnier révèle qu'il s'agit d'une métaphore: N6 est prisonnier de lui-même (N1) et (probablement?) de ses aspects sombres (inconscience, colère incontrolée, etc...)?

Prison Conscience



A CHACUN SA BOUTIQUE!

Le Clean Crack Band chez Sivea...

Numéro 6, Softman et JPL dans la boutique Dynamit Computer du "chinois", cet endroit également fréquenté par d'autres crackers. Dans un de ses articles, l'ancien pirate Kristo lui fait de la pub et parle des disquettes que l'on peut y acheter pour pas cher.
Mais il ne s'agissait pas d'une boutique totalement anonyme car elle avait fait parler d'elle jusque dans la presse informatique de l'époque (ici Hebdogiciel) - pas seulement pour la vente de clones mais aussi pour les origines familiales (assez révélatrice!!) du responsable:

Hebdogiciel
Hebdogiciel
Dynamit Computer

A noter que son ancien gérant m'avait contacté peu de temps après la parution de l'interview de JPL pour avoir son email...

Tiens, je me pose la question: est-ce que ce petit fils de pirate noir officie à présent dans le 12ème arrondissement (rues de Montgallet et de Charenton)?
Dixit "Là où il ne faut acheter que si on s'y connait ou si on est accompagné par une personne qui s'y connait. Et par s'y connaitre, entendre à la fois en hardware et sur les 'us et coutumes' de la rue".

A propos de piratage en Asie, certains se rendaient à Honk Kong dans le "fameux" Golden Computer Centre pour faire le plein de logiciels piratés. Il s'agissait alors d'une véritable plaque tournante non seulement pour la duplication de softs mais aussi pour la contrefaçon de hardware (mes parents m'avaient ramené quelques cartes "calquées" sur des productions Applied Engineering).
J'en avais entendu parlé par un ancien contact (Kriss) qui travaillait à l'époque à la maintenance d'avions et avaient la possibilité de s'y rendre de temps en temps (vols à très bas coût pour les salariés des compagnies aériennes mais en fonction des places dispos). Kriss avait rédigé un texte sur le Golden Computer Centre (comment s'y rendre, les bonnes affaires, ...) sous forme d'un fichier Appleworks mais je n'ai pas été fichu de remettre la main dessus hélas!
Sinon, il y a aussi une rumeur sur une complicité entre pirate(s) et un membre naviguant d'une compagnie aérienne (pilote de ligne?) qui ramenait des softs trouvés lors de ses vols à Hong Kong mais je n'en sais pas plus... par exemple j'ignore si Gilda était aux commandes dans la tour de contrôles ;-)

Dragons of HK



CALYPSO, UN FRONT OFFICE... EXCESSIF?

Il est indéniable que Calypso a marqué un certain nombre d'applemaniacs de l'époque comme l'indique quelques témoignages:
Contact

Mais il y avait un aspect dans ces relations qui pouvait refroidir ses correspondants: c'était sa volonté de tout contrôler.
Au point qu'elle téléphonait à ses contacts pour, par exemple, décréter que telle ou telle personne devait être boycottée dans la distribution des logiciels piratés!
Cela peut se justifier dans certains cas de figure pour certains individus peu scrupuleux (vendeurs de softs crackés):

A vendre

Mais on se trouve très vite dans une "situation malsaine" (dixit un contact l'ayant vécue) où ces "directives" s'apparentent à une sorte de dictature.

Même en mettant de côté l'aspect "club d'admirateurs", on imagine ce comportement directif peu compatible avec un Numéro 6 au profil baba cool "pantalon patte d'eph" (dans un appart enfumé façon fog londonnien) plus enclin à pencher du côté de l'ode "Liberté, j'écris ton nom" de Paul Eluard (poème de 1942 largué par les avions de la RAF en milliers de tracts sur la France occupée) d'où une "entrée en résistance".



MAIN TENDUE ET MAIN DANS LA GUEULE

Je ne suis pas entièrement d'accord avec N6 sur le rire féroce envers ceux laissant des messages dans leurs protections. Je connais un cas où le plombeur songeait plutôt à inciter le pirate à gagner sa vie en réalisant des créations personnels plutôt que de cracker. Il s'agit du responsable des protections chez Br0derbund: Roland Gustafsson.
Un moyen détourné pour compléter les recrutements plus officiels:

Author wanted
Author wanted

Il arrivait aussi que cette main tendue se fasse par le biais de la presse informatique, ici entre le pirate Snibble et JL Lebreton de chez Froggy Software:

Snible vs Froggy Software
Snible vs Froggy Software

De temps en temps des rencontres "explicatives" entre éditeurs et pirates avaient lieu mais c'était quand même très rare:

Rdv pirates

Certains adoptaient des démarches originales et n'hésitaient pas à reconnaitre le potentiel du "voleur" comme ici l'éditeur Andent et sa vision pragmatique:

Ardent

Mais, c'est sur que la méthode la plus répandue consistait (quand c'était possible) à distribuer des coups de pieds vengeurs, c'est à dire adopter une action punitive plutôt que de faire dans l'éducatif.
Ici illustration et caricature avec les clubs, lieux de tous les échanges comme le dit Steve Wozniak dont le propre point de vue est que cela ne nuit pas aux sociétés éditrices de logiciels:

Woz Piracy
Woz Piracy
Casser du pirate



L'AMNESIE DES DEMOISELLES DE PETITE VERTUE...

Je suis bien d'accord avec Numéro 6 au sujet de l'hypocrisie ambiante consistant à accuser les autres de piratage alors que bon nombre de ces acteurs ne se gènent pas pour décortiquer les productions de leurs concurrents afin d'en récupérer les bonnes idées.

Pour faire le lien avec l'Apple II, il vous suffit de vous replonger dans la revue Pom's numéro 34 (janvier/février 88). En page 63, Jean-Yves Bourdin, un membre éminent de cette communauté, disait à propos de Merlin 8/16 de Glen Bredon (édité chez Roger Wagner Publications): "Sourceror 16 bits, ce magnifique désassembleur qui a autant fait pour l'Apple que le Locksmith..."
Si vous avez les zygomatiques en manque d'exercice, rappelez-vous aussi que plus tard, Jean-Yves Bourdin brandit un étendard anti-pirates... (avec ses fréquentations du magazine Toolbox Mag, il y a de quoi se bidonner :-)))) )

Qu'on se souvienne avec un plaisir non dissimulé le moment où, dans un bref éclair d'honnêteté intellectuelle!, a flotté le drapeau noir (sans la tête de mort) sur le campement d'Apple à Cupertino: le fameux "Apple Pirate" qui aujourd'hui encore se retrouve sur des tapis de souris, des stickers ou d'autres accessoires vestimentaires:

Apple Pirate
Apple Pirate

Il est vrai que pomper et améliorer les productions existantes issues de l'open source est aujourd'hui nettement moins dangereux que d'aller "glaner" les brillantes idées au PARC de Xerox...

Je ne sais pas vraiment pourquoi (peut-être est-ce suite à la disparition récente de l'acteur Paul Newman), tout cela me fait irrésistiblement penser à un passage du film culte de John Huston, le western intitulé Juge et hors-la-loi datant de 1972 (en version US: The Life And Times Of Judge Roy Bean).

Judge Roy Bean
Judge Roy Bean

Le passage en question se déroule au Texas dans la ville de Vinegaroon lorsque Paul Newman - incarnant le juge Roy Bean - en a pris les commandes et fait régner la loi et l'ordre selon une conception personnelle assez particulière. Les filles de joie qui travaillaient dans la maison close de la petite ville du début se sont retrouvées mariées avec les lascars présents. Le temps est passé et elles se sont embourgeoisées.
Un jour que le juge Roy Bean les appelle avec un nom d'oiseau relatif à leur ancien métier, elles s'en offusquent et diligentent leurs maris pour obtenir des excuses.
Peines perdues... car Paul Newman, au lieu de ravaler ses paroles, les insultent avec d'autres noms d'oiseaux et tout au plus s'excuse de son lapsus initial: sa moralité, c'est surtout qu'une pute reste une pute même si elle finit avec une bague au doigt... (et qu'elle est aussi autorisée à ne pas la remener sur des sujets où ses propres actions ne sont pas irréprochables).

Et vous en connaissez beaucoup, vous, des boites informatiques importantes encore en vie qui n'ont pas fait la pute???



LE SUPPLICE DE TANTALE

"Le logiciel que vous venez d'acheter est protégé contre la copie. Essayer de le dupliquer risque d'entrainer un disfonctionnement non seulement de l'original mais également de votre lecteur de disquettes. Par ailleurs, cette protection ayant été réalisée avec la collaboration de Mamadou Hamafi (le grand sorcier africain de renommée mondiale), vous vous exposez au flétrissement puis à la chute de votre membre".

Entre menaces et guignoleries (voire silence pudique pour d'autres), une protection reste synonyme d'interdit.
Or la nature humaine n'est pas faite pour s'en accomoder. Il y aura toujours quelqu'un que cela titillera et qui voudra relever le défi.

Sans le vouloir, les éditeurs ont infligé un supplice à un certain nombre d'individus pour qui l'objectif premier n'était pas forcément de dupliquer ces programmes à l'infini (dont un bon nombre de médiocres réalisations).

L'image qui me vient tout de suite à l'esprit est le tableau de Wilhelm Trübner (1851-1917) intitulé "Caesar, the Artist's dog" (datant de 1878); tableau que j'ai pu voir à la Galerie Belvedere lors de ma visite de Vienne (Autriche): 

Caesar

La saucisse, ce n'est pas forcément le programme vendu: c'est aussi (voire surtout dirons certains) la protection.
Que croyez-vous qu'il va se passer dans cette scène?
Suffira-t'il de dire "pas touche!" pour que Caesar s'en aille la queue entre les jambes?

C'est comme demander à un homme politique de garder sa bite dans son pantalon, de ne pas confondre argent public et fonds personnels, de ne pas céder aux lobbies bourrés de fric, de ne pas pistonner un ami ou un membre de sa famille, d'appliquer à lui même les idées et lois qu'il rédige et vote (par exemple mettre à l'ordre du jour la suppression de son propre régime spécial scandaleux pour que la précarité de l'emploi soit enfin pour tous, ou encore avant de parler de "travailler plus pour gagner plus", commencer par ne payer les parlementaires qu'à leur temps de présence dans l'hémicycle, ...) et surtout de fermer sa grande gueule sur les sujets qu'il ne maîtrise pas: c'est tout bonnement impossible, il ne faut pas rêver!!!

Personnellement, je n'ai pas cédé à ce chant de sirène là (la déprotection de logiciels). Par contre, je n'en dirais pas autant des éclairs au chocolat de chez Béline vendu uniquement une fois par an au moment de la braderie du Mans... Je ne sais pas si finalement Caesar a eu sa saucisse mais de mon côté, je n'ai pas fait que manger avec les yeux!!

Eclair Beline



MINIATURISATION, LOGICIELS GRATUITS, CULTURE ET LIBERTE

Je ne suis pas les nouveautés hardware pour savoir quelles saletés on va encore nous mettre dans les pattes. Mon dernier souvenir (2002), c'est le système Palladium de Microsoft soit disant pour avoir un identifiant unique par machine mais aussi pour s'arroger la définition d'un "ordinateur de confiance" (trusted computing plateform) avec une combinaison soft+hard, solution mise en pratique par le TCG (Trusted Computing Group) et dénoncée comme "informatique déloyale" par les détracteurs du libre.

Mais actuellement, la miniaturisation des composants n'a pas que des effets négatifs. Je ne regrette pas d'avoir une mini machine que je peux emporter partout où cela me chante, surtout que mon imac est dans la chambre de mon fils et je ne pourrais plus rien faire à partir du moment où il est couché si je devais me contenter d'un poste fixe.
Je trouve même au contraire que ce mini ordi me donne plus de liberté: pouvoir me connecter sur internet hors de chez moi m'ouvre une porte sur un savoir immense et ce à n'importe quel moment.

Par ailleurs, pour éviter les big brothers en puissance et les réducteurs de liberté (entendre firmes commerciales cherchant à cadenasser tout ce qu'elles peuvent pour leurs rentes), il existe fort heureusement de très nombreux logiciels pour passer outre. Rien n'empêche un particulier d'installer une distribution linux complète sur sa machine par exemple, de naviguer incognito, d'avoir un bureau virtuel sur le net avec tout ce qu'il faut (traitement de textes, agenda, etc...), ...
Il suffit seulement que chacun se prenne en main et passe du temps à tester ces solutions alternatives.
J'ajouterai aussi que la Free Software Foundation (FSF) de Richard Stallman existe depuis suffisament longtemps maintenant pour que tout le monde connaisse!

Pour ce qui est des supports culturels, je ne pense pas être le seul à m'être inscrit dans la médiathèque de ma ville.
Pour 20 euros par an le forfait multi-supports, j'ai accès à un savoir qui peut m'occuper au moins le temps d'une vie.
Et dans la mesure où je ne cours pas les nouveautés, elles finiront bien par arriver un jour ou l'autre dans les rayons de ma médiathèque.
Il faut vraiment être en manque pour prendre le risque de se faire gauler en flagrant délit de téléchargement alors que la durée de vie commerciale des films ne fait que se réduire (surtout pour un film que l'on regarde une fois ou deux à tout casser!)
On est quand même loin du "Chaque fois que j’entends le mot culture, je dois sortir mon chéquier !" (la parodie de la citation "Quand j’entends le mot culture... j’enlève le cran de sureté de mon Browning" tirée de la pièce de théatre Schlageter de Hans Johst datée de 1933)...

La question est aussi de savoir s'il est indispensable de posséder plutôt qu'emprunter ou louer.

A propos de location, j'ai vu qu'il existait une solution à l'époque sur Apple II aux USA pour voir si un logiciel valait le coup ou pas avant de l'acheter: Black Sun.
Ceci dit, c'était aussi un bon moyen pour les pirates d'avoir des softs à dupliquer pour pas bien cher!!!

Back Sun

Une petite illustration d'occupation à "pas cher": un eeepc connecté à un vieux moniteur externe, quelques logiciels gratuits téléchargés sur le net (Eclipse Ganymède, Tomcat 5.5, J Connector et MySQL 5), un livre "Initiation à JSP" emprunté à la médiathèque et voila de quoi m'occuper un peu à faire du J2EE. Ici c'est sous l'OS propriétaire livré avec l'eeepc mais il y a la même chose sous Linux.

eeepc J2EE



"REZO" DE CONDUITE

Alors quoi de neuf dans la piraterie informatique des réseaux de nos jours?
Ben, pas grand chose!
Sans vouloir jouer les blazés, en remontant en 1984, on avait déja à peu près la même chose qu'aujourd'hui.
Entre les gamins qui s'amusaient à tirer dans les pattes des pros "parce qu'il était possible de le faire" (et que c'était surtout bon pour l'égo) et les informaticiens à la moralité douteuse détournant des comptes bancaires ou récupérant les centimes des transactions financières, la seule variante, c'est le hardware: à l'époque, c'était le minitel qui portait la couronne... 

Quelques illustrations parmi les "exploits" les plus médiatisés et aussi les moins méchants évidemment (car pour le gangstérisme en col blanc, les banques ne se précipitaient pas pour parler des fonds "disparus" au 1er journaliste venu): ici le numéro 6 (hasard des chiffres toujours et encore!) du magazine L'évènement du jeudi du 13 au 19 décembre 1984.
On y parle des djeuns du groupe le "Solex Crack Band" (SCB) dont il a déjà été question ICI et de Patrick (un autre pirate sur minitel)

Evenement Du Jeudi: 12/1984
Evenement Du Jeudi: 12/1984
Evenement Du Jeudi: 12/1984
Evenement Du Jeudi: 12/1984
Evenement Du Jeudi: 12/1984
Evenement Du Jeudi: 12/1984
Evenement Du Jeudi: 12/1984


Pour l'anectode: s'introduire dans les réseaux sans y être invité est normalement répréhensible, ça n'a pourtant pas empêché l'éditeur de logiciels Activision de sortir 2 volets d'un logiciel mettant le joueur dans la peau d'un de ces pirates.
Ici quelques copies d'écran du jeu Hacker:

Hacker
Hacker
Hacker
Hacker

Et du second volet, Hacker 2:

Hacker
Hacker
Hacker
Hacker
Hacker
Hacker: le jeu

Le temps passe et rien ne change vraiment: certains continuent dans les voies troubles empruntées au temps de leur jeunesse et d'autres retournent leur veste en devenant professionnels de la sécurité informatique. C'est le même train train depuis le début, vous n'avez qu'à emprunter à votre médiathèque le film Sneakers (1992 - Les experts dans la VF) de Phil Alden Robinson avec Robert Redford dans le rôle du gentil et Ben Kingsley dans le rôle du mafieu. Le scénario ne casse pas des briques mais la réalité non plus!

Pendant que cette infime minorité d'individus s'amuse en cercle fermé au chat et à la souris, comment le restant de la population met-il à profit cet extraordinaire outil qu'est internet? Est-il une avancée majeure pour l'humanité?
A l'heure où je parle, le monde est suspendue à la prochaine élection présidentielle américaine et des sociétés comme Google, Microsoft et d'autres insistent sur l'apport du réseau au débat démocratique...
Numéro 6 parlait des illusions perdues de JPL... Je vous retranscris ici la réponse du journaliste militant américain Todd Gitlin à cette question (lue dans un Télérama): "On entend toujours la même chanson à chaque invention. Les promoteurs du téléphone, puis de la radio et de la télévision ont soutenu que leur invention représentait un progrès pour la démocratie. Ils le pensaient d'ailleurs... mais il savaient aussi que l'argument démocratique ne sauraient nuire au marketing. Quoi qu'il en soit, imaginer qu'il suffit de donner un nouvel outil aux hommes pour changer leurs désirs est une conception puérile, absurde même, de l'activité humaine. J'attends toujours qu'une majorité d'internautes utilisent Iinternet pour que l'on vive mieux ensemble, plutôt que pour s'adonner aux jeux, aux sites pornos et aux infos sur les célébrités!"

Et vous, quel usage en avez-vous???

Crack N6

4) Quelques écrans de cracks de Numéro 6


Crack N6
Crack N6
Crack N6
Crack N6
Crack N6
Crack N6
Crack N6
Crack N6
Crack N6
Crack N6
Crack N6
Crack N6
Crack N6
Crack N6
Crack N6
Crack N6
Crack N6
Crack N6

J'ai également retrouvé un exemplaire de Toy Shop (une production Br0derbund) mais le soft est encore protégé. N6 a juste fait sauter le compteur (limité à l'origine) du copieur intégré permettant de faire un backup du logiciel conformément à la politique de l'éditeur.
On peut le copier à l'infini mais hélas pas en faire un disk image utilisable sur émulateur :-(

The Toy Shop